épilogue

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3 mois plus tard.
Je crevais de chaud. Depuis quand faisait-il aussi chaud dans cette galerie ? J'avais pourtant passé l'après-midi ici, et il m'avait semblé voir la climatisation activée. Ou alors, peut-être étais-ce le monde présent dans cette énorme pièce. Ou bien pire, le stress. En tout cas, je me retenais vivement de ne pas m'éventer avec ma pochette pour ne pas avoir l'air ridicule. Une voix m'interpella, me posant une question sur la luminosité de l'un de mes clichés.
J'avais encore du mal à croire que j'exposais pour la toute première fois mes photographies. Bien sûr, j'avais été choisie avec une dizaine d'autres élèves par le jury de mon université pour pouvoir participer à cet événement, mais c'était déjà une victoire personnelle immense. 
Je ne pus m'empêcher de me diriger vers les toilettes pour me passer un coup d'eau sur le visage, tant j'avais chaud. Je fis bien attention à ne pas abîmer mon maquillage, et je remis mon chemisier blanc correctement en place, avant de rejoindre à nouveau le coin de la galerie qui était dédié à mes clichés. J'avais déjà fais plusieurs fois le tour pour admirer les photos de mes camarades. 
Dans un coin de la pièce, je repérais Antoine, accompagné de Magali et du reste des garçons, qui me fit un petit clin d'œil d'encouragement auquel je répondis par un petit sourire. Je savais que ma mère et June se trouvaient aussi quelque part dans la pièce, même si elle n'était pas dans mon champ de vision, et cela me rassura un peu.
J'étais très satisfaite des retours sur mes photos, que ça soit par des professionnels, ou bien des amateurs seulement venus jeter un coup d'œil. L'un de mes clichés, attirait plus particulièrement l'attention, et je ressentais une certaine fierté, puisque c'était celui que j'avais le plus hésité à mettre dans mon exposition. C'était June qui m'avait convaincu de la laisser, et j'avais au final bien fait. Moi-même, je ne pouvais pas m'empêcher de regarder cette photo. C'était ma préféré. Celle que j'avais prise en Californie, où l'on pouvait légèrement voir Sneaz de profil avec sa casquette, et en fond le soleil se couchait au dessus de l'océan. Elle arrivait encore à me donner des frissons, et cela me rappela que je devais faire quelque chose ce soir.

Je jetai un dernier coup d'œil à cette fameuse photo, avant de me diriger vers la baie vitrée, menant à un petit jardin éclairé de la galerie. La nuit était tombée depuis quelques heures. Je m'empressais de refermer la baie vitrée derrière moi, pour ne pas être dérangée, et je m'éloignais de la vue de tous, avant de finalement m'asseoir sur une marche en béton. L'air frais d'une nuit du mois de juin me fit beaucoup de bien. Je me mis à fouiller dans ma pochette, avant d'en sortir une enveloppe, que je n'avais pas fermé. Dessus, il n'y avait ni adresse, ni prénom. Je sortis délicatement la feuille à l'intérieur pour la relire une dernière fois.

Sneaz,

C'est dingue, je ne sais même pas comment commencer cette lettre. Qu'est-ce-que je suis censée dire, après tout ? J'aurais préféré te l'écrire assise sur une plage en Californie, les pieds dans le sable, face à l'océan. J'aurais sûrement trouvé plus d'inspiration, que là, assise seule dans un square fermé à tenter d'apercevoir quelques étoiles. J'arrive même pas à croire que tu ne sois pas là pour les regarder avec moi.
J'arrive pas à croire que tu ne sois plus là, tout simplement. Je ne me suis jamais sentie aussi seule que maintenant. Tu sais, j'écoutais toutes les chansons d'amours qui t'aurais probablement donné la gerbe, et elles m'ont fait réalisé à quel point tu me manquais. A quel point tu me manques encore. Comment t'as pu partir sans même me dire au revoir ?

Et comment moi, je vais faire, pour vivre, sans t'avoir dit au revoir ? Je suppose que c'est ce qu'Antoine voulait dire quand il m'a dit que l'écrire me ferait peut-être du bien. Je suppose que c'est cette lettre qui fera office d'adieu.
Il est tard, et je porte encore ta veste. Celle que tu m'as prêté la dernière fois. Il a encore ton odeur. Je sais qu'un jour, elle va disparaître, mais je veux espérer qu'elle durera longtemps. J'arrive pas à me convaincre qu'un jour, elle ne sera plus là, parce que c'est me dire que la dernière chose que j'ai de toi, n'est plus là non plus. Ça signifie te perdre, et je n'arrive pas à m'y raccrocher, alors qu'au fond de moi, je sais que tu es déjà parti.
Ça y est, je recommence à pleurer. J'aurais bien aimé que tu sois là, pour me raconter des choses dont je ne sais rien, comme ce soir-là, à Los Angeles. Ça va paraître débile, mais je n'ai jamais connu quelque chose d'aussi apaisant. Et maintenant, tu n'es plus là.
Tu connais la phrase de Agnès Ledig ? " Je crois que je me suis attaché à toi comme un enfant à son doudou. Et aujourd'hui, j'ai le chagrin du gamin qui l'a perdu. " C'est exactement ce que je ressens à cet instant précis, quand je pense à toutes les choses qu'on aurait pu faire ensemble. A toutes les choses qu'on ne fera pas ensemble.
Je vais arrêter, c'est promis. Si c'est les derniers mots que je peux t'adresser, je n'ai pas envie de parler des choses qu'on ne fera pas ensemble. Je vais te remercier pour toutes celles que tu m'as apprise.
Merci de m'avoir appris que parfois, certains inconnus n'en sont pas vraiment. Que parfois, même eux peuvent nous comprendre plus intimement que tout nos proches réunis. Merci de m'avoir fait comprendre que certaines personnes, qu'importe l'âge où tu les rencontres, sont là pour changer ta vie. Que tu sois marié et que tu ait quarante ans, ou bien que, comme moi, tu sois une adolescente un peu perdue. Merci d'avoir apporté ces couleurs dans ma vie, dans le moment où j'en avais le plus besoin. Je crois que tu ne sais même pas à quel point tu m'as changé. A quel point tu as tout changé.
Tout ce que tu m'as offert, jamais je ne pourrais l'oublier. Tu m'as offert une minuscule éternité dans chaque seconde que nous avons passé ensemble, et pour ça, je ne pourrais jamais assez te remercier.
J'aurais aimé te dire, que, si je devais revivre notre histoire, je changerais les mois que nous avons passés l'un loin de l'autre, mais c'est faux. Je ne changerais rien. Je ne changerai rien, parce que même ça, ça m'a permit de connaître ce dont je n'aurais jamais osé rêvé. Alors merci pour ça aussi.
Nikita Gill a écrit " Now and forever, you will always be so much more than a lover. You are my favorite story. " ( NDA " Maintenant et à jamais, tu seras toujours bien plus qu'une simple histoire d'amour. Tu seras ma préférée " )
C'est dingue, j'arrive pas à m'arrêter d'écrire, parce que je sais que, quand je poserais ce stylo, ça sera définitivement fini. Et je ne peux pas m'y résoudre avec mes propres mots, alors je vais le faire avec ceux de Marc Levy. J'espère que tu ne m'en veux pas trop.

" Même sans toi, je ne serais plus jamais seule, puisque tu existes quelque part. "
Parce que je sais que tu existes quelque part, j'espère que tu m'attendras.

Je t'aime. 
Nora.

Je reniflais, et j'essuyais l'unique larme ayant couler le long de ma joue, avant de replier la feuille et de la glisser de nouveau dans l'enveloppe. Maintenant, j'hésitais, ne sachant plus quoi faire.
Comme si le destin semblait vouloir m'encourager, je reconnus presque immédiatement la musique qui commença à résonner à l'intérieur de la galerie. All of the Stars, de Ed Sheeran. Je pris une grande inspiration, et je me relevais. Je fouillais quelque instants dans mon sac à main, avant d'en sortir un briquet, et lentement, j'approchais la flamme incandescente du papier, qui s'alluma presque aussitôt. Et tandis que, lentement, je regardais la lettre brûler, et mes mots s'envoler, les paroles de la musique ne cessait de me ramener en Californie.

I can hear your heart, on the radio beat.
They playing Chasing Cars, and I thought of us,
Back to the time, you were lying next to me,
I looked across, and I fell in love.
So I took your hand,
Back through lamp-lit streets and knew
Everything led back to you

So open your eyes and see
The way our horizons meet
And all of the lights will lead
Into the night with me
And I know these scars will bleed
But both of our hearts believe
All of these stars will guide us home

***

Je peux entendre les battements de ton cœur, sur le rythme de la radio.
Ils ont passés Chasing Cars, et j'ai pensé à nous,
Retour au temps, où tu étais allongé à mes côtés,
Je t'ai regardé, et je suis tombée amoureux.
Alors j'ai pris ta main,
A travers les rues éclairées par les lampadaires, et j'ai su,
Que tout me ramènerait toujours à toi.


Alors ouvre tes yeux, et vois,
La manière dont nos horizons se rencontrent,
Et toutes les lumières te conduiront,
Dans la nuit à mes côtés.
Et je sais que ces cicatrices saigneront de nouveau,
Mais nos cœurs sauront,
Que toutes ces étoiles, nous ramèneront à la maison.

FIN.

All of the StarsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant