Moi et les questions d'écologie

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— Ben alors, Didier ? Qu'est-ce que tu fais dans ton bureau encore ? C'est l'heure ! On y va !

— Et toi, Albert ? T'es pas dans ta cave à nourrir des chatons au biberon ?

Je regarde ce crétin d'Albert, droit dans les yeux. J'essaie de prendre un air mauvais. Je ne dis rien d'autre. À la place j'instaure un silence gênant qui, je l'espère, fera déguerpir cet abruti.

— T'as oublié, hein ! Tu n'as pas lu le mémo de Marie-Antoinette ?

J'attrape un dossier qui traîne à portée de main, je fais semblant d'être hyper-concentré et je commence à tourner les pages.

Bien entendu que j'ai lu le mémo de Marie-Antoinette. D'ailleurs, j'ai bien vu qu'il était co-écrit par ce gland d'Albert. Qui d'autre que lui aurait pu avoir une idée aussi débile ?

— Allez, oublie un peu ta paperasse. Il y a des causes qui n'attendent pas ! C'est l'heure du débrayage pour la planète !

— Écoute, Albert : je vous soutiens tous et tout, mais là, j'ai vraiment trop de boulot. Tu peux fermer la porte en sortant ? Merci.

— Ah non ! Aujourd'hui tu n'as pas le choix : tu ne peux pas te débiner comme d'habitude ! La décision a été votée par le CHSCT, l'assemblée des salariés et validée par le Comité de Cohésion Interne. C'est une obligation et un devoir pour tout le monde. Allez viens !

— Non. Pas envie.

— Arrête de faire l'enfant et descends rejoindre les autres. Maintenant !

— T'es qui, toi d'abord pour me donner des ordres ? Genre : t'es mon chef ?

— Hey ! Marie-Antoinette ? Tu veux venir deux secondes ? Y'a Didier qui fait sa mauvaise tête et qui ne veut pas participer !

— Oh mais ! Ca va aller, oui ? Qu'est-ce que tu caftes à cette vieille mocheté !

— Bonjour, Didier. Bon. Je suppose que tu n'as encore pas lu mon mémo. C'est dommage. Parce que si tu avais daigné y jeter un coup d'oeil tu saurais que c'est une décision d'entreprise qui a force de règlement. Je ne vais pas t'apprendre ce que c'est : tu es juriste, tu devrais comprendre.

— M'en fous !

— Bon ! On perd du temps-là, Didier ! On n'a qu'une heure pour l'opération. Si tu ne viens pas, on va devoir prévenir la RH et la Direction et tu risques un blâme.

— Oh mais merde à la fin ! Vous me faites tous chier avec vos conneries ! C'est bon, je descends, mais je vous préviens : je foutrai rien !

— C'est l'intention qui compte ! Allez ! Hop ! On se dépêche.

Bordel de cul ! J'en ai rien à foutre de la planète ! J'en ai rien à foute de l'environnement et je refuse de participer à cette mascarade ! Je ne sais pas ce qu'il leur est passé par la tête à ces abrutis. Je suppose que c'est encore une histoire de labélisation ou de conformité de mes couilles. La banque veut faire son greenwashing comme tout le monde et ça tombe sur moi ! Je ne sais pas quel abruti au conseil d'administration s'est levé un matin en se disant que ça serait sans doute cool que nous aussi, les salariés du Crédit Mutualiste, on arrête de bosser une heure dans la semaine le vendredi pour faire des activités de babos écolos. Comme si ça allait sauver quoi que se soit !

Je hais l'hypocrisie ! Je hais l'écologie !

— Il est tendu, non, le père Didier ?

— Oui, bon, il va prendre sa pelle et sa balayaette comme tout le monde et il va arrêter de nous casser les pieds !

Super Vilain ~ version WPOù les histoires vivent. Découvrez maintenant