Je ne sais pas ce qu'il m'a pris.
Des fois je suis vraiment un connard. Je veux dire : je sais que je m'apprête à faire de la merde, j'en suis parfaitement conscient et pourtant, je ne peux pas m'en empêcher. C'est plus fort que moi : des fois, je fonce sans réfléchir. Non. C'est encore pire : je réfléchis et je me dis qu'il faut que je me tienne à carreau, que ce ne sont pas mes oignons et que j'ai mieux à foutre que venir en aide à des trous du cul. Mais à chaque fois que je vois des abrutis s'en prendre à des faibles, ça me retourne la tête et je m'en mêle.
C'est pour ça que je ne sors pas souvent de chez moi : pour éviter d'avoir ce type de tentations.
Déjà tout petit, je venais défendre ma connasse de frangine quand elle se faisait emmerder dans le bus après l'école. À chaque fois je me faisais défoncer la tronche, mais à chaque fois je retournais au charbon.
Je ne peux pas lutter : l'injustice, ça me fout en l'air. Pareil avec les profs au collège et au lycée. Dès que je sentais qu'il y en avait un qui avait un gamin dans le pif et qu'il s'apprêtait à l'humilier, je me levais pour gueuler. Ça m'a d'ailleurs valu un paquet d'heures de colle et une réputation d'enfant difficile. Mes parents m'ont même obligé à suivre une thérapie de trois séances avec un pédo-psychologue de mes couilles pour canaliser mes problèmes. Au bout de trois, comme ça me faisait chier, j'ai dit à mes parents que j'étais guéri et ça les a bien arrangé parce qu'à 300 francs de l'heure, c'était de l'extorsion.
Quand j'ai eu mes pouvoirs, ça été beaucoup plus facile à gérer. Quand je voyais une situation merdique où des crétins s'en prenaient à des pauvres types ou des pauvres gamines qui n'avaient rien demandé, j'intervenais de loin pour débloquer la situation à distance. Dans la plupart des cas, ça suffisait amplement. Je passe sur ma période "super-héro" encagoulé entre mes 19 et mes 20 ans : c'était un peu pourri et ça a failli me coûter la vie à une ou deux occasions. J'ai vite laissé tomber ma carrière de redresseur de tort masqué. En plus cette cagoule de catcheur était vraiment débile et la bande de velcro me grattait la gorge.
Au fil des ans je me suis un peu calmé et j'ai appris à relativiser. Surtout après l'épisode de Maryline. En connaissant un peu mieux la nature humaine, j'ai fini par conclure que l'immense majorité des gens qui se font tabasser l'ont quand même un peu cherché. D'une manière ou d'une autre.
Mais de temps en temps j'ai encore des montées de colère quand j'assiste à des humiliations publiques. En général, soit je me retiens, soit je donne un coup de télékinésie bien placée.
Sauf que aujourd'hui, j'ai aidé cette grosse fiente de Gérald !
Un jeudi par mois, je le consacre à mes rendez-vous extérieurs. Autrement dit, je prends une voiture du Crédit Mutualiste et je passe voir des guignols en contentieux bancaire pour tenter de négocier une promesse de paiement. Parfois je reviens avec un peu de liquide que les clients sortent de je ne sais pas trop où. Quand les dossiers sont bien moisis et que je n'ai pas envie de trop m'emmerder avec, je rajoute une liasse ou deux sur mes propres fonds. Ca fait plaisir à tout le monde : au client et à mes chefs. Et moi ça m'évite de trop passer pour un incapable.
Aujourd'hui, j'avais surtout prévu de suivre Gérald pour commencer à enquêter sur ces dossiers. Histoire de préparer le terrain pour sa candidature en tant que prochain chef de l'amiable.
Je sais que Gérald est une burne et qu'il n'arrivera jamais à atteindre un objectif de recouvrement décent. Moi, aussi d'ailleurs, mais c'est parce que je le fais exprès. Gérald, lui, n'a aucune compétence naturelle pour ce métier. Même avec la meilleure volonté du monde, il se fera toujours marcher sur les pieds et mener en bateau par les filous. En plus son portefeuille de dossier est particulièrement moisi : il n'a pratiquement que des artisans et des commerçants et quelques taxis et ambulanciers – en gros des marchands de couilles.
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Super Vilain ~ version WP
ParanormaleJe m'appelle Didier. Je suis un surhomme. Dans la vraie vie d'un super-vilain, le plus difficile n'est pas d'échapper aux héros ou aux flics. Mais plutôt de faire face au quotidien. Didier a des pouvoirs d'une puissance terrifiante. Hélas pour lui...