Je m'appelle Didier. Je suis un surhomme.
Alors, oui, dit comme ça, ça paraît prétentieux. N'empêche que c'est vrai : j'ai des pouvoirs incroyables dignes d'un demi-dieu.
Bien sûr, je ne suis pas le seul dans ce cas. En tout cas c'est ce que j'en ai déduit après plusieurs années de recherches en compulsant des articles glanés sur internet ou dans la presse spécialisée – genre Le Nouvel Investigateur ou Synesthésia, le magazine de l'extraordinaire. Même si je n'ai jamais rencontré de personnes douées comme moi, je sais qu'elles existent. Et je ne veux surtout pas les rencontrer. Non. À vrai dire, je suis d'un naturel méfiant. Pas trouillard. Pas craintif : juste méfiant. Au fil des ans, j'ai appris à me montrer discret, à ne jamais faire de vagues et à vivre avec mon secret bien caché. Je ne tiens pas à finir disséqué ou torturé dans un laboratoire du CIA. Ou pire encore, finir mes jours dans une base secrète de la Gendarmerie Nationale. Je déteste les gendarmes.
Ma vie se résume à un quotidien bien réglé. J'ai un boulot chiant, des amis chiants, une famille de débiles que j'évite de voir trop souvent et une petite amie neurasthénique qui ne soupçonne absolument rien quant à mes capacités – elle s'appelle Mirabelle et elle est un peu conne. Je suis l'archétype même du type lambda. Je m'habille en normcore, j'utilise les transports en commun, je mange toujours dans les mêmes endroits et je n'attire jamais l'attention sur moi. Je vais même jusqu'à ne presque jamais utiliser mes compétences spéciales en public ; j'ai bien trop peur de me faire gauler par inadvertance.
C'est d'ailleurs ça le plus difficile dans ma vie : posséder d'immenses pouvoirs et me restreindre. Si je m'écoutais, de toute manière, je mettrais tous les casse-couilles que je croise sur orbite. Et tôt ou tard, ça finirait pas se remarquer. J'aime autant prendre mon mal en patience et attendre le jour où je pourrais me débarrasser d'eux en toute tranquillité. Je tiens d'ailleurs à jour une liste des gens que je me suis promis de massacrer avant la fin de ma vie ; et cette liste commence par Rose-Marie.
Rose-Marie, c'est ma Directrice des Ressources Humaines, là où je travaille, au Crédit Mutualiste Angevillin – la dernière banque privée locale et indépendante du pays, comme le dit si fièrement le slogan sur le fronton du siège. Rose-Marie est la pire personne que j'ai jamais rencontrée. Elle est assez jolie, mais pas autant qu'elle le pense. Elle est plus jeune que moi, mieux diplômée et surtout, elle m'insupporte au plus haut degré. De toute manière, je déteste les gens qui travaillent aux RH.
Dans la vie, je suis chargé de recouvrement contentieux, c'est à dire que j'ai un bureau à moi tout seul, que j'arrive facilement à me cacher derrière des piles énormes de dossiers moisis et que je peux prétexter à toute heure de la journée que je suis débordé de boulot et que, non, je n'ai vraiment ni le temps de faire une pause ni de descendre au pot de départ en retraite de tel ou tel connard, ni encore moins de m'inscrire aux activités de cohésion interne, désolé.
Je n'aime pas trop mes collègues de boulot et dans la mesure du possible je fuis tout ce qui ressemble à des obligations sociales. Les seules contraintes que je supporte sont celles que je me suis imposées au fil des ans parce qu'elles me font passer pour quelqu'un de normal. Ce que je suis presque.
Je veux dire : ce n'est pas parce qu'on a des super-pouvoirs qu'on ne peut pas aspirer au calme et à la plénitude. Des fois, je suis même prêt à tuer des gens pour garantir ma tranquillité !
Mais dans l'absolu, j'évite de tuer des gens. Pas parce que je considère que c'est mal, mais tout simplement parce que je vis dans un monde où tuer des gens en toute impunité et pour de bonnes raisons, ça reste très difficile à réaliser pour plein de motifs. Et même quand il n'y a a priori aucune chance que je me fasse prendre, j'évite de le faire. Parce que tuer des gens, c'est souvent un nid à emmerdes. Même si sur le coup on pourrait se dire que, ouais, en définitive, c'est bien fait pour sa gueule, il le méritait bien, depuis le temps qu'il me faisait chier... Au bout de quelques temps, tôt ou tard, ça finirait forcément par me rattraper et les gendarmes viendraient sonner à ma porte et me poser tout un tas de questions.
Du coup, je dois tout le temps rester attentif au moindre de mes gestes. Ne jamais prendre de risque. Me maintenir sous le radar.
Je suis un surhomme caché au milieu de la foule, bien à l'abri dans une vie morne et un peu pénible.
Comme tout le monde.
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Super Vilain ~ version WP
ParanormalJe m'appelle Didier. Je suis un surhomme. Dans la vraie vie d'un super-vilain, le plus difficile n'est pas d'échapper aux héros ou aux flics. Mais plutôt de faire face au quotidien. Didier a des pouvoirs d'une puissance terrifiante. Hélas pour lui...