Chapitre 15

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Mon premier reflex en l'entendant partir et t'attraper mon pull, remontant la fermeture éclair en vitesse et d'enfiler mes baskets avant de me précipiter vers les ascenseurs. Ils sont déjà tous en bas. Je descends les marches des escaliers de secours par quatre, manquant de rater la dernière marche d'ailleurs, de peu. Dehors, le temps est maussade, nuageux et la pluie menace. Ils en avaient parlés à la radio, du mauvais temps pour toute la semaine. Je vais aimer.

Je la cherche dans la foule, à droite, à gauche mais je ne la vois pas. Je m'avance d'un côté et la rue bifurque sur trois autres ruelles. Laquelle ?

Prenant celle de droite, je m'aventure à travers les passants et je finis par la remarquer, montant les escaliers non loin de la place publique. Où est-ce qu'elle va comme ça ?

Connaissant ces rues pratiquement par cœur, je tourne sur ma gauche et je sais que si je me dépêche, je lui tomberais dessus suffisamment tôt pour lui barrer la route. Elle sera obligée de m'avoir en face.

Je lui arrive dessus et elle ne lève pas un sourcil quand elle me voit débouler face à elle. Elle se contente de m'éviter, nos épaules se frôlant à peine.

« - Ça suffit. »

Je saisis son bras et à cet instant, elle m'attrape le poignet, le retourne et me plaque le bras dans le dos. À cet instant, je me suis souvenus que j'avais des articulations. De mon bras libre, j'arrive à me libérer en lui faisant la même chose et à peine l'ai-je contrainte qu'elle jette son pied en arrière avec précision vers mes bijoux de famille et d'un léger mouvement de recul du bassin, j'évite un coup qui m'aurait paru fatal.

Pas un mot n'est dit. Pas une parole n'est échangée. Tout est dans les coups. Toute sa colère et sa fureur sont soigneusement placées dans chacune de ses attaques et m'oblige à jouer sur la défensive ce qui n'a jamais été mon fort.

C'est à un moment donné que je comprends alors toute la douleur d'Amélia. Que j'en prends conscience. Tout ce qu'elle laissait passer, tout ce qu'elle disait en haussant les épaules « ce n'est pas grave ». Tout ça. Tout n'a été qu'une accumulation et moi j'ai été assez con pour y croire. Croire qu'elle accepterait. Croire que ça ne ferait « rien ». Que ça ne nous ferait « rien »... Mais au final, ça nous a bouffés petit à petit.

« - Ça suffit maintenant ! criais-je en la plaquant contre un muret »

Elle n'essaye même pas de se débattre. Elle n'essaye même pas de fuir. Tout ce qu'elle semble fuir, ce sont mes yeux.

« - J'ai compris... C'est moi l'idiot. Je te demande pardon. Je n'aurais pas dû... »

Je n'aurais pas dû quoi ? Revenir ?

« - Je crois que toi et moi, on devrait discuter. J'ai plusieurs choses à te dire...ou plutôt à t'avouer. »

Relâchant mon emprise sur elle, je finis par me baisser tout en soupirant et en rigolant nerveusement. Une vieille phrase qu'elle répétait souvent me revient en tête « donnant-donnant ». Si je donne, elle devra en faire autant et je crois qu'il est temps que l'on arrête d'avoir peur de l'autre plus que de nous-mêmes.

Je me mets alors à lui parler d'Esteria, des choses que j'ai faite, des choix que j'ai faits. Des décisions que j'ai prises. Je lui raconte l'horreur d'une année sans elle, le vide dans mon cœur et le creux dans mon âme. Je lui parle de Raya parce qu'il était temps que l'on mette les choses aux claires et de ce choix que j'ai fait en la prenant comme ancre au lieu de lui infliger ça de nouveau.

Je lui parle de ce que j'ai appris sur moi... Je lui raconte ce que c'est que d'être un « Prince » bien malgré soi.

Je n'espère pas qu'elle comprenne, cela serait trop demandé et j'ai largement abusé de sa patience et de sa clémence mais j'aimerais qu'elle essaye de voir les choses comme moi je les vois. J'aimerais que pour une fois, outre le fait de ressentir ce que je ressens comme avant, j'aimerais qu'elle pense comme je pense. C'est totalement égoïste comme souhait mais cela serait tellement plus simple.

Quand j'en ai finis, un énième soupir m'échappe et Amélia ne me quitte pas du regard.

« - Dit quelque chose... Je t'en prie.
- J'aimerais savoir... Comment tu te sens maintenant ? »

Soulagé. Heureux. Bien. Disons que présentement, je ressens tellement de choses que je serais bien incapable de toutes les nommés.

« - Tu avais peur de quoi au juste ? Que je comprenne...
- De ta réaction, avouais-je honteusement
- Hmm... Et ? Es-tu mort ou sur le point de mourir ? Suis-je à ce point terrifiante ?
- Non...
- C'est une bonne chose à savoir... Pour moi, je veux dire. Maintenant, tu vas ouvrir tes oreilles de chat de gouttière ou les laver, je n'en sais rien mais tu vas gober et enregistrer chaque mot que je vais dire.
- D'accord...
- Non, tais-toi. Tu te rappelles ? De cette promesse que l'on s'était faite ? De celle qui disait « ensemble envers et contre tous » ? Les règles du jeu n'ont pas changées Kyle. Quoi qu'il arrive, quoi qu'il advienne, je serais toujours là. S'il faut être ce mur qui te protège, je le serais. S'il faut être cette main qui te tire vers le haut, je le serais. S'il faut être cette baffe qui te réveille, je le serais. Je serais tout ce que tu veux, tant que tu ne comprendras pas. Tant que ne réaliseras pas. Tant que tu ne croiras pas en moi... En nous. On dit que l'amour rend idiot, c'est particulièrement vrai dans notre cas. On est idiots. Idiots de croire que l'on pourrait faire sans l'autre. Idiots de croire que l'on pourrait vivre sans l'autre. Moi, je ne peux pas faire ma vie sans toi, je ne peux plus. J'ai besoin de toi. C'est égoïste je sais car je serais surement amené à te partager dans l'avenir mais je ne veux pas. Je te veux pour moi toute seule et Dieu seul sait que c'est ultra-niais à dire mais je ne trouve pas de phrase qui décrive mieux ce que je ressente pour toi. C'est plus qu'un vulgaire « je t'aime » balancé à l'arrache comme mot quotidien, c'est plus fort que de l'amour bête, c'est quelque chose que je ne sais pas nommer encore. Mais j'apprendrais. La seule chose que je ne veux pas apprendre, c'est ça. Tout ce que tu me dis. Je sais que tu ne l'as pas fait exprès ou bien même que tu ne l'as pas réaliser... Mais je te le dis. Tu ne peux plus te permettre de ne penser qu'à toi. Il faut que tu penses à nous comme on essaye de le faire depuis trop longtemps maintenant. Parce qu'au final, à la fin de toute cette merde, il ne nous restera que ça. Ce nous sur lequel on ne pourra que compter. »

Et il n'y a jamais eu de mots plus justes que les siens. C'était peut-être ça que j'admirais chez elle. Cette force qu'elle avait d'affronter les choses, de les prendre comme elles venaient et d'y faire face.

Tout en gardant une petite place pour « nous ».

Peut-être ai-je mal fait depuis le début, peut-être me suis-je trompé, égaré ou fourvoyé mais maintenant, une part de moi est rassurée. Je suis rassuré. Rassuré de savoir qu'Amélia ne me laissera jamais tomber. Ne nous laissera jamais tomber comme elle n'a jamais abandonné de croire en moi.

Y'avait-il quelque chose de plus important maintenant ?

Hunters - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant