Chapitre 39

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Je sais ce que les plus pessimistes d'entre vous diront. Je ne le sais que trop bien, parce qu'au fond, je me dis la même chose : « C'est trop facile. » et je n'ai jamais dit que l'histoire s'arrête-la. Personnellement, j'aurais bien aimé que l'histoire s'arrête sur ça mais on sait tous qu'il y a encore tant à faire et le problème « Amélia » était loin d'être résolu.

Nous ne savions toujours pas comment retourner dans notre « monde ». Nous ne savions toujours pas comment sortir d'ici. Et malgré nos retrouvailles, un silence pesant s'est installé entre nous.

Nous n'avions rien à nous dire, tout simplement. Il était indéniable que l'on était heureux d'être ensemble mais ensuite . Amélia portera à jamais la culpabilité de tous ses « actes » passés et moi, celle d'avoir été si longtemps aveugle, soucieux de mon propre bonheur quand je suis revenu sur Terre.

Parce que je pensais que les histoires étaient simples. Je pensais que nous aussi on aurait le droit à « Ils se marièrent, vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants » mais le souci... C'est qu'au fond de nous, nous souffrons. Tous les deux. On ne voulait juste pas se l'admettre.

« - À force, je vais finir par croire que nous sommes vraiment morts...dit-elle en soupirant
- Comment peux-tu le savoir ?
- Il suffit de te regarder...Dis-moi Kyle... Ne crois-tu pas que c'est mieux ainsi ? »

J'avoue ne pas comprendre ce qu'elle essaye de me dire. Pendant des jours et des jours entiers je me suis battu, on s'est tous battu pour la retrouver, pour la sauver et elle me dit qu'elle préfère être morte ?

Je ne comprends pas.

« - Crois-moi, pour avoir expérimenté la mort, il n'y a pas de « mieux » dedans Amélia. Comment peux-tu penser ainsi après tout le mal que l'on s'est donné ?
- Justement parce que l'on s'est donné trop de mal ! J'en ai marre tu comprends ? Marre de me battre, marre de toujours devoir survivre ! Marre de tout ça ! J'aurais souhaité être simplement humaine si c'était possible plutôt que de vivre ça ! Ne le comprends-tu pas ? Si l'on continue sur cette voie-là, on devrait alors se battre toute notre vie et je ne veux pas de cette vie ! J'abandonne. »

Comment pouvait-elle dire ça ? Comment pouvait-elle ne penser qu'à ça ? Elle qui me faisait toujours de longs et beaux discours sur le fait de ne pas penser égoïstement. Comment pouvait-elle abandonner au moment où l'on aurait eu le plus besoin de son soutien ?!

« - Non. »

Moi aussi j'en ai marre. Marre d'essayer de comprendre. Marre d'essayer de tout faire. Marre de me démener tout seul alors qu'elle ne semble pas vouloir faire le moindre effort.

« - Non, tu n'abandonnes pas et tu n'abandonneras pas. Tu n'as pas le droit de me faire ça après tout ce que je viens de traverser. C'est injuste et totalement égoïste de ta part Amy.
- C'est toi qui me fais la leçon sur l'égoïsme alors qu'il y a un an, tu n'as pensé qu'à toi en jouant au héros ?! Laisse-moi rire...
- Nous y voilà hein ?
- Quoi ?
- En fait, tu m'en veux parce que je t'ai abandonné c'est ça ? Tu m'en veux parce que je suis « mort » ? Alors si tu m'en veux tant que ça, frappe-moi. Insulte-moi. Déverse toute ta haine et ta colère sur moi mais tu n'abandonneras pas.
- QU'EST-CE QUE TU CROIS SAVOIR SUR CE QUE JE VEUX FAIRE OU PAS ?!
- Je te connais Amélia...
- Non Kyle, il est là le souci. Tu ne me connais pas. Sinon, tu aurais su...»

Elle fit volte-face avant que ses yeux larmoyants ne débordent. Il y a un mois j'aurais remué le monde entier pour éviter de voir ce genre d'expression sur son visage mais aujourd'hui...

Aujourd'hui, je suis tout autant fatigué qu'elle. Je suis lasse de me battre, lasse d'essayer de sauver ce que je peux sauver avec mes faibles moyens. Oui, je ne suis pas un héros. Oui, je ne suis pas courageux. Oui, je suis certainement la moitié d'un homme mais j'ai essayé.

J'ai essayé du mieux que je pouvais. J'ai essayé de faire tout ce que je pouvais. J'ai essayé, je suis tombé, je me suis relevé. Mais aujourd'hui, je suis fatigué. Fatigué de devoir toujours me relever.

En m'asseyant par terre, je m'aperçois qu'un bruit métallique s'échappe de la poche de mon jean. En mettant la main dedans, j'en ressors la dague d'Helena. Comment avait-elle atterri là ?

« - Tu sais quoi ? Peut-être bien que tu as raison, fis-je »

Elle se retourne vers moi tandis que je pointe la lame contre ma poitrine, saisissant le pommeau avec mes deux mains.

« - Peut-être que l'on devrait juste mourir. Peut-être que c'est ce que l'on mérite tous les deux. Peut-être que c'est ce que JE mérite, moi, pour t'avoir fait tant souffrir. Si c'est ça ma punition, je l'accepte volontiers. Je veux dire, il faut que je me rende à l'évidence, je ne suis pas un homme, ni un esprit, ni un dieu. Je ne suis que la moitié de l'un ou de l'autre. Je ne suis rien, alors pourquoi continuerais-je le combat plutôt qu'un autre ? Il doit y avoir, dans le monde, des gens beaucoup plus à même que moi je crois. Ils feront quelque chose. Tara et Nico trouveront une solution pour s'en sortir sans nous, j'en suis certain. Il n'est plus nécessaire de se battre.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Comme toi, j'en ai marre aussi. Marre de tout ça. Marre de voir cette expression triste et brisée sur ton visage. Marre de savoir que je suis la cause de tout ça. De ton malheur. Je ne peux pas vivre en sachant que tout ce que j'arrive à faire, ô combien j'essaye durement de le faire, ne fait que te faire pleurer. J'en ai marre d'être ce monstre-là. Alors autant en finir.
- ..............
- Mais tu sais, pour ma défense, j'ai vraiment essayé de t'aimer. Et je t'ai vraiment aimé du plus profond de mon être. On n'a pas toujours été d'accord, on s'est souvent énervé l'un et l'autre, on s'est battu mais au final, même dans toutes nos colères, m'imaginer vivre sans toi c'était... Impensable. Parce que tu sais Amélia, je t'aime. Je t'aime comme un fou, c'est un truc de malade. Je t'aime à t'avoir dans la peau et à ne pas pouvoir m'imaginer une seconde loin de toi. Ça me rend dingue rien que de penser à ça. »

Malgré mon faible sourire en essayant d'ironiser mon sort, les larmes me viennent. Encore. Suis-je un être si faible que ça ? Surement. Si c'est le cas, je préfère encore partir maintenant. Au moins, je partirais en me disant « C'est bien, j'aurai essayé ».

Je ferme les yeux pour ne pas à voir son visage si chagriné, levant le bras en l'air pour donner de l'élan à mon geste. Je n'aurais pas mal. Ce sera un coup rapide et propre. Je n'aurais pas mal.
Je n'aurais pas mal comme j'ai mal en la voyant me regarder ainsi.

« - Adieu Amélia. »

Et j'abaisse violemment mon bras.

Hunters - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant