Chapitre 16

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L'intensité dans son regard ne faiblit pas, semblable à des flammes dansantes lors d'un incendie de forêt. Elle me regarde et ne dit pas un mot. Je me sens idiot. C'est assez horrible comme sensation mais je ne trouve pas d'autre mot à dire. Je me sens idiot.

« - Comprends-tu au moins ? dit-elle d'un ton plus doux, aventurant une main sur mon visage »

Je hoche la tête mais je ne dis rien. Pourtant je devrais pouvoir lui dire quelque chose, n'importe quoi, mais je me retrouve encore un peu secoué par sa façon de voir les choses et de les dire. J'aimerais tellement être comme ça, comme elle. J'aimerais avoir cette force en moi mais je ne l'ai pas. Indirectement et sans le vouloir, je m'accroche à Amélia comme un noyé s'accroche à sa bouée. Désespérément. Je m'accroche à elle, à tout ce qu'elle est et à tout ce qu'elle représente. Je m'accroche à cette importance qu'elle a dans ma vie, à celle qu'elle a prise dans ma vie. Je n'aurais jamais imaginé que ça irait aussi loin.

Son pouce passe machinalement sur le coin de mon œil et je ne réalise même pas que je pleure. Pourquoi ? Pourquoi est-ce que ça sort ? Pourquoi maintenant ?

Naturellement, ses bras s'enroulent autour de moi et elle m'attire contre sa poitrine. La tête posée contre son sein, je pouvais entendre sans mal les battements de son cœur. Elle était totalement calme. Totalement sereine. Comment pouvait-elle l'être ? Comment faisait-elle ? J'admirais tellement cette force que j'en venais presque à la jalouser également.
Je regarde alors les nombreuses plaies longeant la courbe de ses bras et je réalise...

« - On devrait peut-être rentrer pour s'occuper de ça non ? demandais-je en reniflant tout en m'écartant

- Ce n'est rien... Ça ne fait pas vraiment mal.
- J'irais discuter avec Raya demain.
- Tu sais que tu n'as pas besoin de faire ça ? Je peux m'occuper de ça toute seule. Occupe-toi de tes affaires et laisse-moi les miennes d'accord ?
- Tu es sûre ?
- Oui ! Ça ira ! J'ai maté plus d'un chat dans ma petite vie ahaha ! »

Même si elle en rit, elle cachait difficilement certaines grimaces. Je n'imagine même pas l'état dans lequel Raya doit être. Peut-être qu' Amélia a raison, peut-être que je devrais les laisser régler ça une bonne fois pour toutes.

À peine rentrés à la maison, qu'elle s'effondre dans le canapé.

« - Amy ?! »

Je l'attrape à bout de bras, passant ses deux bras autour de mon cou et dès qu'elle fut dans mes bras, je pouvais presque sentir tout son corps irradiant totalement les alentours. De la fièvre ? Maintenant ?! L'hôpital est au coin de la rue et il me suffit de 5 minutes pour y aller.

À l'entrée, on est immédiatement réceptionnés par des médecins et des infirmières qui prirent le relai, me laissant totalement en plan dans la salle d'attente. Pris de panique, ma main compose le numéro de Tara qui arrive deux minutes après avec Nico et Helena.

« - Qu'est-ce qu'il s'est passé ? s'inquiéta Mima
- Je n'en sais rien... Elle s'est effondrée d'un coup et ...
- Hé ! Calme-toi, ça va aller ».

J'étais resté sur cette phrase. Pendant deux heures. Au bout de deux heures nous n'avions aucune nouvelle mais grâce à Nico, on sut qu'un médecin spécialiste du Siège fut demandé en plus.

Cela n'annonçait rien de bon.

À tour de rôle, on fit les cent pas dans la salle. On attendit et attendit. Personne ne vint nous voir.
Au bout de trois heures et demies à attendre, un médecin, apparemment celui du Siège qui avait pris le cas d'Amélia en charge, venu nous trouver.

« - Ce n'est rien de grave, ne vous inquiéta pas.
- Qu'est-ce qu'elle a ? demandais-je en me précipitant le premier devant lui
- Disons que le cas d'Amélia est particulier, au Siège elle est soigneusement suivie. Vous êtes ses amis je présume ? Donc vous devez savoir qu'Amélia n'est pas ou n'est plus une chasseuse comme une autre et que l'on n'a pas réussi à déterminer ce qui se passe encore en elle. Autant pour les cas des démis, nous savons avec précision dans quoi avancer mais Amélia est trop singulière pour que l'on puisse avoir une solution à son « problème ». Je pense que beaucoup de repos sera de mise et évitons de trop la solliciter prochainement. Cela devrait calmer les choses.
- On peut la voir ? intervint Tara à son tour.
- Elle dort pour l'instant, nous lui avons administré disons...un traitement. Elle ne risque pas de se réveiller de suite. Vous devriez rentrer chez vous.
- Vous ne répondez pas à la question. Peut-on aller la voir ? gronda Helena
- Vous pouvez. Sur ce, je resterais à proximité. Veuillez m'excuser.
- Merci, fis-je en le regardant partir »

Il se contenta de me sourire poliment mais on comprit tous qu'il avait éludé la plupart de nos questions. Il parlait de traitement tout en ne sachant pas exactement la cause de son malaise ? Comment pouvait-il se prétendre médecin alors ? Helena, elle, avait clairement un avis sur la question. Pour elle, la raison du mal était tout simplement le don d'Amélia.

En apprenant qu'elle était une « Kirla » ou du moins une sorte de déesse toute puissante, on avait tous plus ou moins fait des recherches pour en apprendre plus mais le Siège et ce monde en savaient que trop peu sur le cas de ces mystérieuses femmes. Raya aurait pu m'en apprendre plus mais je n'étais pas certain qu'aller la consulter maintenant soit une bonne idée.

« - Je pense que la question ne se pose même pas... Kyle, tu restes, fit Helena
- Quoi ?
- Moi, je vais rentrer à la maison et dire à Leina et Hayley que tout va mieux maintenant. Nico et Tara vous restez en ville de toute façon ?
- Bien sûr ! On a aussi quelques affaires à régler. De plus, je ne pense pas que l'on aille chasser sous peu vu que l'on vient de rentrer, fit Nico.
- Passer la nuit dehors à courir partout, quelle histoire, rigola ironiquement Tara »

Il fut ainsi décidé pratiquement à l'unanimité que je resterais passer la nuit certainement ici tandis qu'ils disparurent tous en un clin d'œil pratiquement.

Poussant délicatement la porte, j'ai comme l'impression de me faire poignarder quand je la vois allongée sur le lit.

J'attrape le fauteuil dans le coin et le rapproche du lit, lui attrapant la main. Le « bip » des appareils perturbe le seul silence qu'il pourrait y avoir dans la pièce.

Et soudain, une pensée me traverse. Je me dis que c'est de ma faute. Que tout ce qui lui arrive de négatif est de ma faute. Le combat avec Raya, toutes ces nouvelles histoires à gérer, tout ce qui se prépare aussi... Tout est de ma faute. Si je l'avais écouté et si j'avais pris soin de tout partager avec elle, peut-être qu'on en serait pas là aujourd'hui.

Peut-être qu'elle ne serait pas là aujourd'hui. Quel abruti je fais !

Hunters - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant