Chapitre 19

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Les minutes passent. Puis les heures. J'ai l'impression de revivre ce même enfer que celui d'il y a maintenant 10 ans. Attendre, dans l'incertitude de revoir des yeux, un sourire, d'entendre un rire, de serrer une main. Attendre en se sentant impuissant de ne rien pouvoir faire, de ne rien pouvoir changer.

Attendre et espérer.

Mes doigts caressent avec une délicatesse que je ne me connaissais pas sa joue encore marquée par certains coups reçus. Comment Amélia réagirait-elle ? Je veux dire, elle doit certainement celle pour qui c'est le moins difficile...

Je pose mon front contre le rebord du lit, cachant un soupir. J'ai l'impression, constamment l'impression, que tout va trop vite pour moi. Que quoi que je fasse, quoi que je dise, rien, rien n'ira jamais bien. Qu'il y aura toujours quelque chose ou quelqu'un pour s'interposer et foutre le bordel dans nos vies.

Cette fois, un médecin passe le pas de la porte et s'arrête à ma hauteur. C'est celui du Siège, je le reconnais.

« - Bonsoir »

Il me regarde, me sourit et s'appuie contre le mur derrière moi, passant une main dans son cou.

« - Cela ne vous fait pas trop mal de dormir sur un simple fauteuil ? me demanda-t-il avec une pointe d'humour
- Ça peut aller... J'ai connu pire. Vous êtes venus vérifier si tout allait bien ?
- En fait non, c'est vous que je suis venu trouver.
- Comment ça ?
- A vrai dire, j'aimerais que l'on parle vous et moi, si vous voulez bien me suivre. »

Je me lève sans poser de questions et le suis plus loin dans le couloir dans ce qu'il semble être une sorte de salle de repos des médecins. Il n'y a personne ce soir. Juste lui et moi. Il me montre le canapé et me demande si je veux un café, ce que je refuse. Il finit par s'asseoir en face de moi, lâchant lui aussi un soupir.

« - Alors ? De quoi voulez-vous me parler ?
- Je ne vais pas vous faire perdre votre temps. Je serais direct. »

Étrangement, cette phrase, je ne l'aime pas.

« - Comme vous le savez sans doute, le cas d'Amélia est un cas assez rare, même parmi ce monde particulier auquel nous appartenons vous et moi. J'ai longuement travaillé avec d'autres membres du Siège, des experts en la matière si l'on peut dire et tous nos travaux jusqu'à présent ne nous mènent qu'à une seule et même conclusion.
- Qui est ... ?
- Ce monde n'est pas fait pour Amélia. En tant que déesse, elle est mourante. Elle ne doit pas rester ainsi. Mais vous savez aussi bien que moi que les failles vers Esteria se font rares et nous avons une chance infime de la faire passer de l'autre côté. »

Ma gorge reste nouée. Mon cœur, compressé. J'ai l'impression de ne plus savoir comment respirer.
Je le regarde, me décomposant entièrement devant lui, bafouillant, cherchant mes mots et je refuse de voir l'histoire se répéter encore une fois.

« - Qu'entendez-vous par... « mourante » ?
- Amélia est l'équivalent d'une déesse et son corps « humain », n'est pas fait pour tenir ou soutenir un pouvoir aussi grand. Cela la tuera...sur le court terme.
- Combien... Combien de temps ?
- Je ne peux pas vraiment me prononcer. Un mois, une année ? C'est assez aléatoire. C'est en fonction d'elle. Je sais que cela fait certainement une énorme nouvelle à digérer. Je peux vous laisser seul si vous voulez.
- S...S'il... S'il vous plaît. »

Il s'exécute sur-le-champ et referme la porte derrière lui. Je me retrouve seul face au silence et au poids de cette nouvelle. Sa voix résonne encore dans la pièce.

Je reste planté là, regardant la table en bois de chêne et j'ai l'impression que l'on vient de me poignarder dans le cœur, retournant et contournant sans cesse la lame. J'ai l'impression que je vais exploser de l'intérieur.
J'ai l'impression que je vais mourir. Suffoquant. J'ai besoin d'air. Il faut que je sorte. Il faut que je sorte d'ici.

Je sors de l'immeuble en trombe et me précipite en courant aussi loin que je peux. Quand je m'arrête, à bout de souffle, je ne sais pas où je suis ou du moins, je ne reconnais pas l'endroit. J'entends seulement le bruit des vagues s'écrasant sur les rochers.

J'ai l'impression d'être un de ces rochers, s'effritant et tombant en morceaux. J'ai l'impression que le monde s'écroule sous mes pieds.

Un cri de rage et de haine s'en dégage. J'en veux au monde et à l'univers. Pourquoi ? Je n'en sais rien mais c'est comme ça que je gère le mieux. Tout mettre en boule et tout rejeter.
Je me dis que ce n'est qu'un vilain rêve. Un cauchemar. Je me dis que je me réveillerais. Oui, c'est forcément un mauvais rêve. Je vais me réveiller.

Aller réveille-toi putain !

Mais rien. Rien ne vient. Quand j'ouvre les yeux, je suis toujours-là. Je suis toujours planté là. Je m'effondre par terre et j'en oublie tout le reste. Ce n'est que quand j'entends :

« - IL EST LA ! »

Que je réalise.

« - Kyle ! Bon sang, tu nous as foutus une peur bleue ! »

Quand je lève les yeux, je remarque la silhouette de Tara complètement paniquée au-dessus de moi. Elle s'abaisse et me regarde avec la tendresse d'une mère. Dès que je vois son visage près du mien, je craque. Les larmes viennent d'elles-mêmes, elles roulent le long de mes joues et je ne sais pas comment mettre un terme à tout ça. Je ne sais pas comment les arrêter.

« - Amy... Elle...
- Je sais... Chut... Viens-la. »

Elle m'attrape dans ses bras et m'attire à elle. Nico arrive quelques secondes plus tard et en fait de même.

Ils attendent que je me calme et quand je me retire, ils se calent chacun de part et d'autre de moi, regardant l'horizon.

« - Qu'est-ce que l'on va faire ? demandais-je en reniflant

- La question ne se pose même pas...fit Nico

- On va sauver Amélia. »

Hunters - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant