Hunters - Tome 2

Chapitre 26

Un coup de pied dans les barreaux me fait sursauter tandis que je regarde à travers la minuscule fenêtre de la cellule. Un sourire m'échappe quand j'aperçois Raya, folle furieuse, un garde sous le bras et les clés dans la main.
« - Alors toi t'es un génie ! La prison ? T'es sérieux là ?!
- Hé, tu m'as dit de te faire gagner du temps. Tu n'as juste pas précisé comment !
- Je pensais que t'allais réfléchir imbécile ! Je te jure...bon on sort avant qu'on ait tout le monde aux trousses !
- D'ailleurs, comment t'as fait pour t'introduire jusque-là ?
- Crois-moi...Tu ne veux pas savoir. L'important, c'est qu'on sorte où nos deux têtes finiront sur une pique et je n'y tiens pas. Elles sont où tes affaires ?
- Aucune idée... Un garde m'a fait les poches avant de me jeter là-dedans.
- Et en plus monsieur égare ses affaires ! Aller sort, on s'en va !
- Je n'attendais que toi. »
C'est vrai. Quelque part, ma situation actuelle me rappelle étrangement cette année passée sur Esteria. Tout ce que l'on a fait. Tout ce que l'on a vécu.

********************************************

Mais aujourd'hui, Raya ne viendra pas m'ouvrir la porte. Aujourd'hui, personne ne viendra m'ouvrir la porte.

J'avais perdu en l'espace de quelques heures seulement, la notion du temps. Était-ce le jour ? Si oui quelle heure était-il ? Personne ne me le dira. Tout le monde doit être occupé et plus j'y pense, plus je trouve ça étonnant.

Le Haut Conseil ne se réunit que très rarement au sein même du Siège. La plupart des grands pontes, des chasseurs de renom, envoient généralement tous des émissaires ou des représentants, mais là, ils viennent.

Tous, ils viennent pour moi. Ils viennent pour une affaire de trahison.

Ce n'est pas logique. Ils ne sont même pas donnés la peine de se réunir quand l'ancien Consul est mort alors pourquoi venir pour moi ? Je ne suis rien. Je ne suis personne.

Et si... Et si ce n'était pas pour moi qu'ils venaient ? Si je n'étais qu'un prétexte. Qu'un leurre ? Si, depuis le départ, tout n'était qu'une grossière comédie pour arriver à ce point précis ?
Ce n'était pas moi qui étais visé hier soir.

C'était le Siège lui-même.

Léo ne voulait pas ce foutu document. Il voulait pousser cette réunion. Il voulait qu'ils viennent.
Oh mon Dieu. Qu'ai-je fait ?

« - Hé ! Il y a quelqu'un ?! Garde ! J'ai besoin de parler à quelqu'un ! »

Personne ne vint. Personne n'était présent. Tous étaient occupés à l'organisation de cette réunion. Putain ! J'ai été trop con !

Réfléchis Kyle ! Réfléchis ! Connecte tes deux neurones ! Aller !

« - J'ai une information à donner au Consul ! Ouvrez cette fichue porte ! »

Ça ne sert à rien de hurler. Tu le sais.
Respire. Respire. Réfléchi et respire. Pense à comment te sortir de là.

« - Besoin d'un coup de patte ? »

Sur un ton presque jovial et provocateur à la fois, je vis Raya, jouant avec les clés de la serrure, les faisant tourner autour de ses doigts, adossée à la porte du couloir.

Le ciel soit loué !

« - Raya !
- Vraiment, je ne peux te laisser tout seul ! Tu exagères !
- Vite fais-moi sortir d'ici, il faut que l'on empêche cette réunion !
- Non. »

Non ? Comment ça « non » ?

Elle s'approche, colle son visage fin aux barreaux de la cellule et prends l'air le plus grave qu'il soit possible d'avoir.

« - Tu ne crois pas que tu brûles les étapes minou ? J'attends des excuses. »

Ah. C'est vrai.

« - Je suis désolé. Vraiment. Mais crois-moi, la situation presse.
- Et c'est tout ?! Franchement, je pensais mériter plus.
- Raya ! On n'a pas le temps ! Léo menace le Haut Conseil !
- Et tu crois que je suis ici pourquoi ? Le plaisir de la compagnie du sale type ingrat que tu es ? Pff, tu me déçois. C'est bien parce que je tiens à mes fesses que je te fais sortir de là. Mais, tu me revaudras ça !
- N'importe quoi, dis-moi ton prix mais je le payerais, je t'en prie, dépêches-toi !
- Minute papillon, suffit de trouver la bonne ! »

Une fois sortis, je me mis à dévaler le couloir jusqu'à l'ascenseur où, une fois à l'intérieur, Raya me retint par le bras.

« - Il faut que tu me dises ce qui se passe Kyle. Je ne pourrais pas t'aider si tu ne me dis pas tout. Tu te rappelles ? Le principe de « l'ancre » ? C'est toi qui as suggéré cette idée...
- J'ai besoin que tu me fasses confiance Raya. Est-ce que t'as confiance en moi ?
- Bien sûr ! La question ne se pose même pas. Mais là, je ne te comprends plus. Tu es ma seule attache dans ce monde et j'ai besoin de te comprendre si je veux survivre.
- Très bien, je comprends... Alors je vais te raconter, mais laisse-moi au moins appuyer sur le bouton de l'ascenseur. »

Elle s'écarte, me lâche et les portes se referment sur nous.

« - Il se peut que depuis le départ, on se soit trompé. »

Même à voix haute, une part de moi ne voulait pas y croire. J'essayais et j'essayais mais je me refusais de croire que depuis un mois, Amélia n'a jamais été là. Que depuis un mois, tout ce que l'on s'est dit, tout ce que l'on a échangé, n'était que feinte et comédie.

« - T'en sens-tu capable ? De te battre contre elle ?
- Oui.
- Kyle, on ne parle pas d'un chasseur ou d'un esprit... On parle d'Amélia. On parle d'une déesse. Si elle a été assez intelligente pour se cacher pendant près d'un mois, qui nous dit qu'elle ne nous a rien réservé ?
- Mais je ne peux pas non plus la laisser en paix. J'ai... Quelque chose à faire avec elle.
- Tu ne peux pas rivaliser avec une Kirla. Encore moins quand il est question d'Amélia.
- Tout ce que je sais, c'est que celle que j'aime se retrouve piégée dans son propre corps et ça par ma faute. Mon mal, ma faute. Je ferais donc tout pour le réparer. Mais pour l'instant... Il faut que j'annule cette foutue réunion ! »

Et je n'ai pas la moindre idée de comment m'y prendre. Je pourrais tout simplement, dans un acte suicidaire et désespéré, me balader dans les locaux en disant que je me suis évadé mais seul, je ne pourrais jamais occuper suffisamment les chasseurs présents.

25, 26, 27,28... Aller plus vite ! Monte plus vite !

Soudain, on sentit une légère secousse.

« - Wow... C'était bizarre ça, signala Raya en se rattrapant
- On arrive trop tard, murmurais-je désemparé »

L'immeuble tout entier se mit à trembler.

Et dans un « boom » résonnant encore dans les oreilles...Il s'effondra.

Ainsi la guerre commença.