Chapitre 28

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À chaque pas, quelque chose en moi se brisait. À chaque pas, j'avais l'impression que le sol s'ouvrait toujours un peu plus, menaçant de m'engloutir dans ses ténèbres. À chaque pas, une voix résonnait. À chaque pas, je me rappelais des cris, de l'horreur, de cette odeur de brûlé, de sang. Je revoyais les visages déformés, aplatit. Les membres arrachés. Tout n'était qu'un film repassant encore et encore à chaque pas.

L'appartement était vide. Vide de sa présence. Vide de sens. Vide tout simplement. J'avais une telle haine naissante envers elle où sur un court laps de temps, je me suis dit : « Fais-le. Tue-la. » Et je voulais le faire. Non, je veux vraiment le faire. Je veux la tuer comme elle les a tous tués. Je veux la faire souffrir comme elle nous a fait souffrir. Je veux la voir, ramper à genoux, suppliant pour sa vie. Oui, je désire voir tout ça et j'en oublierais presque, durant ce même laps de temps, qu'à l'intérieur d'elle... Il y avait quelqu'un d'autre.

Il y avait celle-ci, qui, impuissante, a dû tout voir. Du début jusqu'à la fin. Celle qui, depuis le départ, n'a sans doute jamais cessé de se débattre et de hurler pour qu'on entende enfin sa voix. Mais jamais elle n'est parvenue jusqu'à nous car aveugle de notre propre bonheur, on s'est contenté de dire que « tout allait bien » et ce depuis le tout début.

Mais cela n'a que trop durer. Cela doit se terminer. Avec elle. Avec lui. Avec nous.

Je me suis jeté sans me retenir sur le sofa, agonissant dans mon coin. Je me suis jeté, oubliant que je me suis pris un immeuble sur la face. Je me suis jeté, oubliant que j'avais mal. Horriblement mal.

Mon corps souffre, mon cœur pleure, ma tête appel à l'aide.

« - Il est vraiment mal en point. Regarde, il est tout pâle. Tu crois que tu pourras faire quelque chose pour lui ?
- Tais-toi. Tu me déconcentres.
- Pardon. C'est juste que...
- Michael ?
- Oui ?
- Ferme ta gueule. »

J'entends des voix. Autour de moi. J'ouvre un œil, sentant une légère brûlure sur ma poitrine et quand je finis par prendre conscience du monde qu'il y avait autour de moi, je me redressais brutalement, grimaçant sous l'effet de la douleur.

Hayley était là. À ses côtés un autre gars un peu rond, les cheveux roux en pétards, transpirant. Derrière eux, il y avait tout un autre groupe me regardant comme une bête curieuse.

« - Hayley ? Tu m'expliques ? demandais-je avec une voix à peine réveillée
- Kyle ! Kyle ! Kyle ! Je suis tellement contente ! »

Elle me saute dessus et j'ai bien cru qu'elle allait m'achever.

J'ai toujours considéré Hayley comme ma propre petite sœur. Elle avait les mêmes traits que sa sœur et pour une enfant de 13 ans, avait certainement la maturité de quelqu'un de notre âge.

« - J'ai cru que... Que toi aussi, tu es... Que tu étais...
- Chut, je suis là. Je suis là. Grâce à toi apparemment...»

Ma main caresse timidement sa petite tête brune nichée dans mon cou puis, elle finit par se redresser, saisissant mon visage de la même manière qu'Amélia avait l'habitude de le faire. Sur le moment, mon cerveau a eu un moment d'absence le temps de s'habituer à ce que ce geste ne soit pas qu'un effet de l'aîné de cette famille.

« - Comment tu as m'as trouvé ? demandais-je en remettant un tee-shirt sous les regards curieux des jeunes filles présentes
- Nico m'a envoyé un texto. Il faut que l'on discute Kyle.
- D'accord, si tu veux mais... Qui sont tous ces gens ? Tes gardes du corps ?
- Nous sommes des chasseurs et nous aussi on veut aller à la guerre ! s'écria l'un d'entre eux »

Ils avaient tous cette lueur dans les yeux, cette détermination et cette envie mais quel âge avaient-ils bon sang ? 12-13 ans à tout casser ? Et encore sûrement plus jeunes. Il était hors de question que des enfants prennent part à tout ceci. Ce n'était pas à eux d'essuyer les merdes des adultes.

« - Hop ! Hop ! Je vous arrête de suite. Ce n'est pas un jeu et il est hors de question que quiconque dans cette pièce aille à la guerre. Rentrez chez vous. Rejoignez vos parents, sifflais-je en me dirigeant vers la cuisine
- Justement... À ce propos... Les parents... Ils étaient tous au Siège hier soir, signifia Hayley en baissant les yeux, tentant de garder son calme. »

Il y eut un moment de silence soudain et tous eurent cet air triste, chagriné. Tous avaient perdu quelque chose, quelqu'un. Mes yeux se posent sur Hayley qui me regarde, larmoyante.

« - Leina aussi ? soufflais-je
- Aussi...répondit-elle. Je n'ai plus que toi Kyle.
- Ne dit pas de sottises ! Tu as ta sœur aussi.
- Ah ouais ? Tu veux qu'on en parle de ma prétendue sœur ? Elle est où là ? Hein ? Où est-ce qu'elle est ? Tu sais, Mima elle m'en avait parlé... Je sais pour Amélia et elle m'a dit de te remettre ceci. Elle m'a dit aussi que tu comprendrais. »

De son sac à dos, elle en sort une lettre, un vieux grimoire et une boîte en bois.

Je pose mon verre d'eau sur le comptoir de la cuisine et ouvre l'enveloppe. Ça sentait ce parfum de rose qu'avait l'habitude de porter Helena.

« Kyle,
Si tu lis ceci, c'est que j'ai réussi à remplir mon devoir de grand-mère jusqu'au bout et j'en suis fière. Je suis fière d'avoir pu élever l'homme que tu es devenu également. N'en doute jamais. Tu as été comme un membre de ma famille, ne l'oublie pas. Tu en fais partie et je partirais l'esprit tranquille en sachant que toi et Amélia, faite tout pour préserver ce monde à notre place.

Tu sais, je suis une vieille femme un peu gâteuse mais je ne suis pas aveugle aux soucis du monde. Tu trouveras peut-être dans ces quelques cadeaux, de quoi survivre toujours un peu plus. Parce qu'il faut que toi, tu survives. Toi, plus qu'un autre. Tu es un demi, un prince et un homme. Tu es un chasseur. Un excellant chasseur.

Au dos, tu trouveras une adresse. C'est un ami. Il se trouve à Ygdressa. Il pourra certainement t'aider. Vous aidez. N'hésite pas à aller le voir en cas de pépin. La route sera longue mais fais attention à toi.

Sache que je t'aime du plus profond de mon cœur.

Helena. »

Une larme tombe sur le papier, je l'essuie du revers de ma main, prends le livre sous le coude et fis d'une voix enrouée par la tristesse :

« - Je reviens. Restez là. »

Je pars m'enfermer à l'étage. Je pars m'enfermer dans la chambre, laissant couler tout ce que j'avais au fond de moi. Helena était partie. Elle ne reviendra pas. Jamais.

Et même dans la mort, elle sait comment aider.

Sacrée mamie. Moi aussi je t'aime tu sais ? Je t'ai toujours aimé malgré mon égoïsme et je ne te serais jamais assez reconnaissant pour m'avoir pris avec toi quand personne ne voulait de moi.
Regarde bien maintenant. Maintenant les choses vont changer. Je saurais être cet homme dont tu es si fière et je saurais sauver ce qu'il y a à sauver. Fais-moi confiance.

Je le ferais.

J'attrape un sac à dos, y fourre plusieurs affaires et quand je boucle mes affaires, je remarque que Felix est à terre. Gisant au sol, lui aussi. A croire qu'il souffre pour moi.

« - Toi, tu viens avec moi. »

Je le mets entre deux boxers, ferme la porte derrière moi, m'arrête la salle de bain, attrape une chaîne à bijoux et y passe les deux anneaux. C'est une promesse Amélia. Je te sauverais. Fin du monde ou pas. Guerre ou pas.

J'arrive pour toi.
Et s'il faut passer sur le corps de cette foutue déesse, alors je le ferais.
Je te sauverais.


Hunters - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant