Hunters - Tome 2

Chapitre 14

Plus j'y réfléchis et plus je me dis que tout ça est de ma faute mais s'accabler y changerait-il quelque chose ? Tout est fait et le pire est à venir. J'ai été naïf de croire que l'on pourrait passer des jours paisibles, que tout était derrière nous et que l'on ne craignait plus rien. J'ai été naïf de croire que ces événements ne bouleverseraient pas nos vies. J'ai été naïf de croire que seul, je pourrais changer les choses.

Pourtant je sais que cette fois plus que jamais, on allait devoir affronter ça ensemble.

« - Le seul que l'on conseille que l'on puisse te donner à présent, c'est de parler à cœur ouvert avec Amélia. Dis-lui pour Esteria, pour ce qui s'est passé dans ta vie durant cette année écoulée et peut-être qu'elle en fera autant, signala Nico
- Parce qu'il y autre chose que je devrais savoir ? demandais-je interloqué
- Ça... Tu le dois voir avec elle mon ami. »

Amélia et moi avions bien des différences comme de points communs et il y en a bien un qui était prédominant. On gardait tout pour nous. On se pensait capable de changer le monde, de pouvoir tout assumer, de jouer les héros aux moments désespérés mais pour ce que cela nous coûte... Peut-être que finalement, nous n'avions besoin que de ça.
Nous avions besoin d'une leçon.

Il était indéniable le fait que nous nous aimions mais peut-être que nous manquions tout simplement de confiance en l'autre. Peut-être qu'au final, notre plus grande peur résidait là... La peur de l'autre. La peur du jugement. Perdre ce pour quoi on s'est déjà battus pendant tellement longtemps. On sait qu'on a encore beaucoup à apprendre en général mais encore plus de l'autre.

Et c'est ce qui nous manque : la franchise.

À peine avais-je passé le seuil de l'appartement que j'entendis les cris d'Amélia mélangés aux rires d'Hayley.

« - Mais aïe ! Arrête ! Sauvage !
- Si tu arrêtais de gesticuler dans tous les sens, ça ne serait pas si douloureux aussi... Petite nature va.
- Hé ! Aïe ça pique !
- C'est dans ta tête que ça pique !
- Je peux savoir ce que vous faites toutes les deux ? »

Elles se retournent toutes les deux vers moi et à peine Hayley se décala pour me laisser entrapercevoir Amélia que mes yeux s'écarquillèrent naturellement devant la vue qui s'offrait à moi. Outre l'œil au beurre noir qu'elle avait, la moitié de son bras droit était encore ensanglanté et elle avait de multiples bleus sur la plupart des parties à découvertes de son corps.

« - Qu'est-ce qu'il s'est passé ?! demandais-je en me précipitant vers elle
- Vas-y doucement...dit-elle en s'écartant légèrement
- Disons que madame s'est battue contre l'autre barbare...expliqua Hayley en soupirant
- L'autre barbare ? Raya ? Tu t'es battue contre Raya ? Et c'est elle qui t'a mis dans cet été ?
- Ouais mais tu verrais sa tête à elle aussi, je l'ai pas loupé !Ahahaha !
- Amélia ! Ce n'est pas drôle ! »

Elle me dévisage comme si je venais de dire quelque chose de choquant, ne comprenant certainement pas ma réaction. Le fait qu'elles se soient mis dans un tel état toutes les deux ne me laisse rien présager de bon pour la suite.

« - Ne t'énerve pas ! Tout va bien... Je ne comprends pas ta réaction là...
- Écoute... J'ai bien compris que tu n'appréciais pas spécialement Raya
- Oh ? Sans déconner...
- Mais de là à ce que vous vous mettiez dans un tel état toutes les deux... À quoi vous pensiez ?
- Pour ma défense, c'est elle qui a commencé.
- Sérieusement ? Ça c'est ce que l'on dit quand on a 5 ans Amy.
- Excuse-moi d'être une gamine...
- Je n'ai pas dit ça !
- Non mais tu le sous-entends clairement.
- Amy...chuchotais-je dans un soupir las, essaye de me comprendre. Raya est une amie et je tiens à elle autant que je tiens à toi.
- Oh ? Tu tiens à elle AUTANT que tu tiens à moi ?
- Lequel de nous deux faits des sous-entendus là ?
- Le message est clair, ne t'inquiète pas, je tâcherais de plus « abîmer » ton AMIE ! »

Elle monte à l'étage, furieuse et on entend la porte de la chambre claquer. Génial. Félicitation Kyle, encore un pas de travers. À croire que tu ne connaissais pas la chanson encore une fois.

« - Franchement, j'admire dans la façon dont tu n'as cessé de t'empêtrer... Splendide !
- Merci de ton soutien... J'ai l'air malin moi maintenant.
- Faut croire que tu dormiras sur le canapé cette nuit ahahaha !
- C'est ça rigole espèce de naine... Tu verras quand tu vivras avec quelqu'un aussi.
- Dit le gars qui squatte chez ma sœur depuis quoi ? 24h ?
- ......
- Eh oui... On se dit tout. Bon, je te dis pas comment faire ton boulot mais tâche d'éviter de prendre la défense d'une autre fille la prochaine fois car à ce rythme-là, t'es bon pour revenir vivre chez Mima. Sur ces belles paroles, moi, je file ! On m'attend déjà. »

Je la regarde attraper ses valises, enfiler son manteau et passer le pas de la porte quand elle s'arrête et se retourne une dernière fois vers moi.

« - Ah oui tant que j'y pense ! Si tu te réconcilies avec ma sœur, tâche au moins de finir de désinfecter ses plaies, ça serait gentil. »

Et quand la porte se ferme, le calme tombe dans la pièce.

Soudain, c'est le dilemme, le genre de dilemme qui vous condamne à mort ou pas. Le genre qui vous murmure tout bas « Vas-y » ou « N'y va pas ». Si j'y vais, je vais me faire agresser et ça risque de déraper... Si je n'y vais pas, la tension redescendra d'elle-même et on pourra alors discuter. Ou pas. Au fond c'est le genre de situation dans laquelle, un couple, se retrouve forcément en danger. La fille pense à une façon de faire et le garçon pense de façon diamétralement opposée.

Là encore, ça ne m'aide pas.

Je me décide enfin à prendre mon courage à deux mains. Quitte à mourir, j'y sacrifierais une vie supplémentaire et j'en aurais plus que 7.

Je m'approche à pas de velours de la porte quand soudain :

« - N'OSE MEME PAS ! »

Outre le fait de m'avoir fait sursauter, ça m'a directement freiné dans mon élan de bonnes intentions.

Le bras tendu depuis deux minutes vers la poignée de la porte, j'hésite encore à entrer dans l'antre du diable quitte à me prendre un oreiller dans la figure.

« - SORS DE LA ! »

Et c'est ce qui se passa. L'oreiller m'arriva droit dessus et j'eus à peine le temps de refermer la porte pour me protéger que j'entendis l'autre suivre derrière.

Ok... Elle est en colère. Ça, je l'avais définitivement bien compris.

M'adossant contre la porte, je reste devant cette dernière pendant des heures avant qu'elle ne s'ouvre, me faisant basculer en arrière. J'aperçois le visage toujours aussi contrarié d'Amélia qui me jette Felix à la figure avec pour seul commentaire :

« - T'en auras besoin pour dormir. Hmpf ! »

Bon, il faut croire qu'Hayley avait raison, je vais dormir sur le canapé ce soir.

Dans l'armoire de la chambre d'amis, il doit y avoir un oreiller et une couverture... Et je me souviens que je n'ai qu'à dormir à côté. Inutile d'aller sur le canapé, je squatterais là pour ce soir et advienne que pourra demain matin.

J'ai dû passer la moitié de la nuit à réfléchir à cette conversation, à me dire que j'aurais certainement pu ou dû tourner mes phrases autrement pour éviter un tel cafouillage et puis, au bout d'un moment, j'ai eu un blanc. Un arrêt total. Comme si mon cerveau n'en avait plus rien à foutre soudainement de ce qu'il se passait. Comme si une part de moi se disait « les torts sont partagés » et j'étais plus ou moins d'accord avec ça car même si je défends Raya, Amélia s'énerve bien vite également.

Ces deux-là ne peuvent pas se voir en vitrine et je nous imagine plus tard dans une chasse tous ensemble. Ça finira surement en bain sanglant et c'est surement pour ça que le nouveau Consul les a mis ensemble. Il veut voir si elles sont capables de travailler l'une avec l'autre. Je dois dire que l'éventualité de les voir, non pas main dans la main, mais sur la même longueur d'onde me fait rêver mais je rêve un peu trop souvent ces derniers temps et c'est vrai que rien n'est fait pour s'arranger.

C'est en entendant la porte d'entrée se refermer que je me réveillai en sursaut, remarquant l'heure sur le radio-réveil : 9 h.

Il faut croire que j'ai officiellement complètement foiré cette soirée.