Hunters - Tome 2

Chapitre 35

Après Raya, je m'attendais à voir débarquer Tara mais à ma grande surprise, j'eus sa suite, la visite de Nicolas. À sa tête, je devinais qu'il venait de la croiser dans un couloir quelconque du château.

« - Tu joues sur deux fronts maintenant ? »

Un soupir m'échappe avant que je ne m'adosse contre le petit muret humide et rocheux de la cellule. Moi-même je ne sais pas très bien où j'en suis ni ce qu'il en est et encore moins de quoi demain sera fait.

« - Je ne joue pas sur deux fronts, non. Disons que c'est compliqué...soupirais-je
- Ce que je trouve compliqué, c'est la situation dans laquelle tu t'es mise. Rappelle-moi déjà ce que tu as fait ?
- Je te l'ai déjà raconté.
- Ouais mais on sait tous les deux que je suis vieux et sénile donc ma mémoire me joue des tours. Aller, accouche. »

Il s'assoit en face de moi, tout sourire et il sait pertinemment que je sais qu'il connaît cette histoire. Rien qu'à dire cette phrase, je suis déjà fatigué.

« - Il y a environ 8 mois, j'étais ici avec Raya. Dans le château. Un esprit un peu bizarre avait fomenté une rencontre soi-disant entre le Roi et moi. Sauf qu'il s'avérait que cet esprit était un traître envers la couronne mais également le plus proche conseiller du Roi, convoitant son siège depuis longtemps.
- On dit son « trône ».
- Quoi ?
- On dit « convoitant son trône ». Bref, je t'ai interrompu, vas-y, continue.
- Tu me casses les noix, tu le sais ça ?
- Ouais... Moi aussi je t'aime. Aller continue.
- Donc nous étions en route vers la salle du... TRÔNE, quand cette vieille chouette a commencé à sortir une dague et dans la panique ou dans la bousculade, je n'en sais rien, je l'ai attrapé et ça s'est retourné contre lui. Voilà. Fin de l'histoire.
- Attends... Toi, le chat... A failli te faire tuer par une chouette ?
- C'était une sorte de chouette, pas vraiment une chouette. Un gros oiseau en somme. Pourquoi tu rigoles ?
- Ahahaha... Tu ne trouves pas que...ça pourrait faire une fable ?« La chouette et le chat ? » Je trouve ça rigolo.
- Nicolas... C'est sérieux !
- Ouais je sais mais je trouve ça juste louche. Le gars il convoite le trône mais se donne la peine de t'attirer jusqu'ici pour se débarrasser de toi ? Il y a bien des façons de le faire et sans se salir les mains.
- Tu remets en doute ma version ? T'es de quel côté ?
- Tu tiens mais quittes à jouer à l'avocat du diable, je veux savoir ce qui est défendable ou non. Putain, je regrette qu'Amélia ne soit pas là. Ce n'est pas elle qu'était dans des études de droit ?
- Si...
- Bon écoute, quoi qu'il arrive, on fera la lumière sur cette affaire et je suis certain que tu seras rapidement relâché.
- Et pour vous ? Ça va aller ?
- Tu rigoles ou quoi ? On est dans un nouveau MONDE ! Tara est partie en exploration du château et... Je pense que je vais aller voir Raya. Lui parler. Là aussi, un jour, tu devras faire la lumière sur CETTE affaire.

- Ouais, je sais. Je devrais mais comme je te l'ai dit, c'est compliqué. Raya et moi, ça a toujours été compliqué.

- Tu sais, à ce stade-là je crois qu'on devrait employer le mot « Platonique ». »

C'est vrai que depuis que j'ai quitté Esteria y'a environ deux mois maintenant, je n'ai plus cherché à faire la lumière sur toute cette histoire mais maintenant que j'y suis de nouveau confronté... À croire qu'un problème ne peut jamais être seul.

Pour le reste du temps où je me suis retrouvé enfin tout seul, face à moi-même, je me suis mis à penser à Léo. À Amélia. À Raya. J'ai beaucoup pensé à Raya à vrai dire. Être ici me rappelait tellement de souvenirs que je me suis mis à repenser à cette année passée.

Je me suis mis à penser à nous.

*********************************************

« - Tu m'as l'air pensif. Qu'est-ce qui te tracasse ? »

Avant même que je n'eus le temps de le remarquer, son visage était à quelques centimètres du mien. Ses grands yeux vert pomme se mirent à scintiller d'une lueur curieuse. Sur le moment, je me surprends à détailler les traits de son visage, les courbes de son corps. Raya était vraiment jolie. Je veux dire, elle avait un physique de rêve comme il est rare d'en voir et dans sa nature profonde, elle avait un petit quelque chose en plus. Elle était drôle, curieuse, compréhensive, attentive... Raya était différente.

« - Allô la lune ici la terre ? Kyle ?
- Désolé... Pardon. J'étais ailleurs.
- J'ai bien vu ça ! Alors ? Pourquoi cet air-là ? Qu'est-ce qui t'arrive?
- Rien, ne t'inquiète pas. C'est juste que par moments, tu vas trouver ça bizarre mais... Des fois, j'aimerais bien rester ici.
- Comment ça ? Je ne te suis pas.
- Je veux dire rester-là. Ne pas retourner là-bas. Rester avec toi. »

Je devrais me sentir honteux ou coupable d'avoir dit ça à haute voix mais étrangement, le dire, le réaliser...ça m'enlève juste un poids. Je me dis que je ne retournerais sans doute jamais sur Terre et que je devrais arrêter de courir après cette possibilité. Je devrais penser à maintenant, au présent.

« - Dis-moi Raya... Par amour... Tu serais prête à quoi ? »

Elle plaque son front contre le mien et rigole, comme si la réponse était évidente pour elle.

« - Moi, je serais prête à tout. J'irais jusqu'au bout. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir. Et toi Kyle ? Jusqu'où es-tu prêt à aller par amour ?
- Je n'en sais trop rien. J'aurais aimé avoir la même réponse que toi mais tu vois, sur le moment, j'en viens à douter de moi.
- De toi ou de ce que tu ressens présentement ?
- Les deux.
- Tu sais, je ne suis pas une experte mais si tu doutes, c'est que c'est peut-être un signe... Passe à autre chose. Lâche prise. Tu te tortures depuis des mois n'est-ce pas . Comment tu fais pour vivre avec une telle pression constamment ?
- Je me dis que je t'ai toi...
- Mais je ne serais pas toujours-là...
- Et pourquoi pas ? »

****************************************************

Mon Dieu. Quand je repense à tout ça, je me dis que tout est vraiment de ma faute et que Raya ne méritait pas ça. Elle ne méritait pas la façon dont je l'ai traité.

Ni elle, ni Amélia, ne méritait ça.

Au final, peut-être que tout est vraiment de ma faute et si c'est le cas, c'est à moi de recoller tous les morceaux.

Mais par où commencer ?