Chapitre 27

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Après le choc, quand je revins à moi, j'avais l'impression que mes tympans coulaient le long de mes oreilles. Le bourdonnement, le bruit, tout était devenu horrible. Cette sensation de se faire écraser, compressé de part et d'autre, l'incapacité totale de bouger.

« - R...Raya...Raya t'es là ? »

Chaque syllabe me brûle la gorge, chaque mot est une épine.
Où est-ce que l'on est ?

Je me souviens de l'ascenseur, puis d'un bruit sourd et enfin d'une secousse. Je me souviens de la chute. De notre chute. Et après... Plus rien. L'immeuble avait littéralement explosé.

Nous enterrant tous.

« - Raya ! Réponds bordel ! »

Une toux m'échappe en criant son nom. Mais je n'ai pas de réponse. Il n'y a que moi et un tas de gravats. Que moi et cette étouffante odeur de brûlé.

« - Il est là ! Je l'ai trouvé ! »

Une voix résonne. Bourdonne. J'ai l'impression d'être complètement sonné. Je sens que l'on me tire par les bras pour me dégager des graviers et je finis par recevoir plusieurs petites claques sur les joues alors que chacune menace de me faire sombrer à nouveau.

« - Hé ! Hé ! Regarde-moi ! Kyle regarde-moi !
- Normalement Raya était avec, je vais voir si je ne la trouve pas !
- Je t'en prie, fais vite. Et sois prudent. Rien n'est stable ici, il faut qu'on dégage !
- Ahaha, promis, je reviens !
- Tara ? »

C'est comme si son image m'était apparue net sur le moment. Comme si je réalisais enfin qu'elle était là. Qu'ils étaient là... Elle et Nico.

« - Ouff...sur le moment j'ai bien cru que j'allais devoir te frapper plus fort. Ça va ? Comment tu te sens ?
- C...Comment vous? Enfin tu...
- Nico et moi, on n'était pas là. Pas dans l'immeuble lui-même en tout cas. On avait demandé à Raya de venir te chercher. Nico m'ayant parlé de votre discussion... Tu peux te lever ?
- Ouais, je crois... Tu m'aides ? »

Elle passe son bras autour de ma taille et me relève tandis qu'une vive douleur me traverse au niveau de la poitrine.

« - Tu'as eu une chance folle de t'en tirer comme ça... Un peu plus et...
- Et je mourrais. Je sais.
- NICOLAS ! NICOLAS IL FAUT QU'ON SORTE !
- JE SAIS ! JE L'AI TROUVE AUSSI ! MAIS IL FAUT FAIRE VITE ! »

On aperçoit Nico tenant Raya à bout de bras, son visage immaculé de sang, un bras... Manquant...

« - Tara... Je t'en prie, soufflais-je en écartant une mèche imbibée de sang
- Je m'en occupe. Nico, tu prends ma relève . Sortez de là au plus vite. On se retrouve à l'hôpital. »

Elle disparue pratiquement instantanément avec Raya.

Nico et moi, seuls, nous nous mîmes en quête de trouver une issue. On entendait encore des gens. Des appels à l'aide, sous les gravats et à chaque fois que je tendais le bras, Nico l'abaissa, agitant la tête, l'air attristé.

« - On ne peut pas tous les aider... »

L'horreur. L'atrocité de la chose. Déchirés par le choix d'assurer notre propre survie plutôt que d'aider tous ces autres. Condamnés.

Évitant les poutres tombantes, s'engouffrant sous des décombres, on finit par trouver la sortie et juste à ce moment-là...juste au moment où on sortit, je vis Amélia sortir elle aussi, indemne. Impeccable. Sans un bleu. Sans une égratignure.

Sur l'instant, je fus soulagé mais dès que je compris, je me précipitais sur elle et lui ne lui a fallu qu'une pichenette pour me repousser.

« - Voyons... Dans cet état ? Tu crois vraiment que c'est possible ? Ne me fait pas rire.
- Tout ça... C'est de ta faute ! C'EST TOI LA RESPONSABLE DE TOUT CA !
- Mais ce n'est pas moi qui ai foncé tête baissée dans le piège le plus évident du monde. Je devrais te remercier. Toi et ton frère. Avec votre combinaison, ce soir a été une belle soirée. Je n'aurais pas à me fatiguer comme ça.
- Espèce de...
- Au fait ! Tant que j'y pense. Il paraît qu'y avait du beau monde ce soir n'est-ce pas ? Tu ne devrais pas te soucier de ça plutôt que de moi chaton ? »

Le Haut Conseil ! La réunion ! Helena !

« - Qu'as-tu fait ? fis-je en me rendant compte qu'Helena est sans doute quelque part là-dessous.
- Je me suis assurer une place dans ce monde. »

Elle disparaît tandis que je repars en courant dans le sens inverse. Enjambant le tas de caillasse, criant le nom d'Helena, grimpant toujours plus haut, rattrapé de peu par Nico me tirant vers le bas, hurlant que j'étais fou.

« - ELLE EST DESSOUS ! ELLE EST LA DEDANS !
- ARRETE ! ON NE PEUT RIEN FAIRE ! ARRETE ! C'EST TROP TARD !»

C'est un cauchemar. Il n'y a pas d'autre mot. Un véritable cauchemar. Tout ça...

« - Aller vient... On rejoint Tara. Ici... On ne peut rien faire. C'est finit.»

C'est finit...hein...

Non sans mal, on finit par atteindre l'hôpital. Au vu de la panique générale, personne ne prêta attention à nous. Personne ne fit attention à notre présence. On nous bouscula sans même nous regarder. On nous poussa sans même savoir qu'on allait dans la même direction. Il y avait tellement de monde. Tellement de cris. Tellement d'appels.

Au détour d'un couloir, on trouva Tara, par terre, en boule. Le visage déformé par la tristesse, l'angoisse, la peur. Tara pleurait.

On comprit, sans qu'elle ne dise un mot que ce soir, tous ceux qu'on avait l'habitude de voir, avec qui on rigolait, on parlait, on chassait...

Tous ces gens-là... Venait de mourir.

Mes larmes ne vinrent pas. Coincées au niveau de mes tempes. Mes membres se mirent à trembler sans que je ne sache vraiment ce que je ressentais.

Je voulais hurler. Hurler ma douleur. Hurler ma peine, mon chagrin. Je voulais hurler ma haine et ma colère. Je voulais hurler, tout ce que j'avais sur le cœur.

« - Et ...Raya ? demandais-je la voix tremblante »

Un nouveau mouvement de tête.
Raya était morte.

Alors je m'accroupis près de Tara, la prenant dans mes bras, la serrant aussi fort que je le pouvais et avec tout ce qu'il me restait et le susurra dans tout le brouhaha :

« - Ça va aller... Tu veilleras sur elle pour moi ? D'accord ? »

Elle me fit un hochement de tête pour me signifier qu'elle le fera. Me retournant vers Nico, lui tendant la main, je lui adressai ceci :

« - Veille sur elle. Elle aura besoin de toi. Tu le sais non ?
- Ok... Je le ferais. »

À sa tête de petit garçon, je voyais qu'il contenait tout ce qu'il avait, voulant garder une allure fière. Il a toujours été comme ça. Même petit. Quand il tombait et qu'il se faisait mal, il préférait faire le fier et aller pleurer dans un coin, pour qu'on ne le remarque pas. Mais on le savait. Il revenait toujours vers nous les yeux aussi rouges que son genou écorché.

Avant de quitter l'hôpital, une infirmière à l'accueil m'arrêta et me donna une enveloppe.

« - Une jeune fille vient de la laisser pour vous. »

Je déchire le papier blanc et découvre un carton à l'intérieur. Dessus, quelques mots. Je reconnais cette écriture.

« Au fait ! Joyeux anniversaire mon chaton. »

De rage, je chiffonne le bout de papier et le jette dans un coin de l'hôpital, contre un mur. Comme si je visualisais sa tête à la place de ce truc ! Elle va me le payer. ILS vont me le payer. Très cher. Je vais leur rendre au centuple tout le mal qu'ils ont fait. Je vais leur prendre tout ce qu'ils ont osé prendre. Je vais briser chez eux tout ce qu'ils ont osé briser chez nous. Je vais les faire pleurer comme ils nous ont fait pleurer.

Je vais les détruire.

« - KYLE ! Où est-ce que tu vas ?! s'écria Nico en me rattrapant.
- En guerre. Je pars en guerre ! »

Et je ne rentrerais pas sans avoir arraché leur tête. Une par une.

Hunters - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant