Intrus

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- Essaie d'appeler tes camarades de labo et je tranche la gorge!

Je marque un temps d'arrêt et constate plusieurs choses : sa main et sa voix tremblent. Ce n'est pas un tueur et selon toute vraisemblance...

- Attends... tu es un intrus?

Silence. Sa main hésite. J'en profite pour tordre violemment son poignet dodu. Le couteau échappe à sa poigne, son propriétaire émet un cri de fillette. Je me retourne, abats mes mains sur ses épaules, remonte mon genou dans l'espace que doivent occupées ses parties sensibles, deuxième cri de fillette. Son subterfuge s'évapore, son corps apparait plié en deux puis s'écroule en couinant.

Je me donne des baffes mentales.

'Et dire que cette lavette a failli t'avoir, l'invisibilité n'est pas une excuse, secoues toi Ira.'

Je ramasse son arme, le plaque contre le mur et inverse les rôles. Sentant le contact de l'acier, il devient soudain très docile. La torche projette son faisceau dans notre direction et j'ai tout le loisir de le jauger.

Il s'agit indéniablement d'un homme, d'après ce que j'ai déjà pu entendre. Il est vêtu d'une tenue moulante intégrale qui lui fait comme une seconde peau et met en valeur sa silhouette bedonnante. Quatre-vingt kilos, un peu plus d'un mètre soixante dix, surpoids évident, non entrainé au combat, pas d'arme apparente, ne représente aucune menace.

- Je me répète, es-tu un intrus?

- ...

Je change de stratégie. Retire la lame, lui saisis la main, lui rends. Je vais ramasser sa lampe et la lui colle dans la deuxième.

- Fais moi sortir d'ici.

Il me relooke à son tour et prend le temps de constater que je suis en tenue d'Eve, accessoirement frigorifiée, tremblante, au bord de la syncope et en train de me vider de mon sang. Il use ma patience, et semble incapable d'annoter le réel de la situation. Quand il ouvre enfin la bouche derrière le film de sa cagoule, je me retiens de lui en coller une :

- Comment ça? Tu es quoi?

- Pour commencer mon visage se situe environ vingt-cinq centimètres plus haut, ensuite ta tenue d'espion de pacotille et ton agression lamentable de tout à l'heure me témoignent que tu n'appartiens pas à ce service. Sauf erreur de ma part, après t'être infiltrer ici et avoir fait ce que tu avais à faire, tu vas te tailler vite fait. Je te demandes de m'embarquer avec, sinon je devrais trouver un autre moyen de m'échapper.

Il rectifie précipitamment son angle de vue et le braquage de sa lampe.

- T'échapper? Comment t'es-tu retrouvée ici? Pourquoi es-tu...

- Je suis pas sûre qu'on ait le temps de discuter histoire de nos vies. Alors, c'est oui ou c'est non?

A sa place, je ne prendrai pas le risque de sauver des vies. Je n'ai qu'à espérer qu'il soit assez idiot et altruiste pour m'entrainer derrière lui. Il est comme un ticket de sortie tomber du ciel, je le manipulerai sans regrets et le laisserai tomber si besoin. S'il choisit de me supporter sans me connaitre, c'est de sa responsabilité et je ne lui devrai rien.

- Très bien.

Je soupire de soulagement et manque d'en perdre l'équilibre.

- Ce que je cherchais se trouve dans cette pièce de toute façon, j'ai désamorcé la sécurité de ce secteur il y a une vingtaine de minutes et j'ignore quand il se rendront compte de l'anomalie. J'ai mon plan de sortie, je récupère ce dont j'ai besoin et on file.

- Est-ce-que tu pourrais effacer les traces que j'ai laissé ici?

Il me montre un dispositif que je présume explosif et se précipite vers les premiers caissons.

Ira IraeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant