Les origines

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- On fait équipe.

- Tu ne le regretteras pas.

J'ai un élan de cynisme.

- Je ne peux pas te garantir la même chose.

Il retient un soupir, et sa main s'égare dans mes cheveux humides.

- Tu devrais au moins essayer d'être positive, je te jure que ton quotidien serait un peu plus lumineux.

Je donne une claque à son bras, pour qu'il cesse de torturer ma tignasse. Il m'apporte déjà plus de lumière qu'il ne m'en faut. Je n'ai pas de raison ni l'envie de faire cet effort, de sortir de mes sentiers battus :

- Je ne juge pas ça nécessaire.

- Qu'y a-t-il de plus urgent à tes yeux?

- Récupérer mes faux papiers, mon permis de conduire, ma carte bleue, mon labo et réactiver le compte en banque que mes parents m'ont laissé. Le tout le plus vite possible. Ensuite, on pourrait tenter de se réintroduire dans les souterrains, et mettre des noms sur les cerveaux à l'origine du poison qui a contaminé nos parents.

Léo me met le holà.

- Une chose à la fois. Tes papiers sont dans ton labo, et ton labo, il est où déjà?

- En Bretagne, normalement. Du moins je dois pouvoir l'y rapatrier, si j'y trouve bien un autre de ses fragments. C'est compliqué à expliquer. Et je ne sais pas grand chose du "point de chute". C'était au pied d'un escalier de ferraille, dans un local d'immeuble à la porte numérotée, à Brest. C'est mon datalyseur qui m'a communiqué ses coordonnées.

- Bien, on peux y aller dès demain et voir.

- Demain?

- Le fils de Sonia et sa compagne lui rendent visite dans deux jours, j'avais prévu de vider les lieux avant . On avisera après. J'ai des amis à Niort et près d'Orléans. Sinon, on pourra toujours prendre un hôtel pour une nuit ou trouver une location à court terme.

Je n'ai rien à redire.

- Il faudra ranger mes affaires ce soir. En attendant...

Il prend son PC sur les genoux et le tourne légèrement dans ma direction.

- Pourquoi ne jetterions nous pas un œil à ton cas?

***

Le ciel est d'un bleu écrasant, les nuages qui paressaient là ces derniers jours sont aux abonnés absents. L'été se manifeste enfin. Le réveil s'est fait dans un beau rayon de lumière, aussi brillant que la journée entière qui commence son déroulement.

J'ouvre la portière avant droite de la voiture familiale et dépose trois bouteilles d'eau sur mon siège.

Léo ferme le coffre, toujours pendu au téléphone. La conversation dure depuis vingt bonnes minutes, ponctuée par ses rires et de nombreuses expressions étranges qui me passent au dessus de la tête.

- Ira, prends ça aussi.

Je me retourne vers Sonia qui, toute souriante, me tend un grand sac papier.

- C'est quoi?

- Votre casse-croûte.

- Fallait pas.

- J'ai mis les premières tomates du jardin et une plaquette de chocolat noir avec les sandwiches.

J'esquisse un sourire, un de ces sourires dont Léo dit qu'ils ne montent pas jusqu'à mes yeux.
Elle répond à mon rictus spontané. Je saisis le paquet et le pose à l'arrière en étendant le bras par dessus mon dossier. La blessure tire, je grince des dents.

Ira IraeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant