Trois. Trois jours dans cette chambre. Puis les quatre suivants, enfin, à pouvoir descendre, me mouvoir, à respirer de grands bols d'air loin des tapisseries hideuses de la chambre.
La plaie, qui suinte toujours, prend un aspect immonde. On me soutient pourtant qu'il n'y a pas de raison. C'est douloureux, gonflé, presque purulent... Tout comme mon humeur qui a tendance à partir en vrille.
Léo est imperméable à tous mes écarts de comportement, mon phrasé aléatoirement froid ou violent. Mes gestes démeusurés, mes cris, ma colère qui s'approche puis repart telle une marée imprévisible ; il leur fait face avec un stoïssisme impressionnant.
Je ne le comprends pas, lui et sa décontracture permanente, comment fai-il pour garder ce calme olympien? Il vit dans une sénérité que je ne connais pas, ne connaitrai probablement jamais. Il m'énerve, même - surtout- en dehors de mes périodes de rage inexpliquée, quand ses ondes anésthésiantes se font ressentir avec la plus grande intensité.
Je suis jalouse de cette forme de repos de l'âme. J'y suis totalement étrangère, et d'autant plus lorsque qu'elle a tendance à me contaminer, aussi paradoxal que cela puisse paraître.Lui ne se débat pas dans les eaux troubles, il m'en tire inlassablement lorsque je m'y enfonce.
Il me tend la main, et je ne peux jamais m'empêcher de la saisir, c'est incontrôlable.
Il me perturbe, mes propres réactions m'exaspèrent. Elles me rendent dépendante.
Dès qu'il m'approche, me regarde, me fixe, l'aura paresseuse qui le suit partout m'enveloppe à mon tour et décrispe mes épaules.La nuit, il tient à l'écart tous mes fantômes, écoute mes pleurs silencieusement. Le jour quand la bête surgit, il encaisse mes coups, mes insultes.
Elle, je suis désormais incapable de la museler. Cela depuis notre fusion, depuis ce pacte incensé que j'ai trinqué avec le diable.
D'ailleurs, la voilà, la cinquième.
Ma cinquième nausée, en seulement sept jours.
La cinquième.
La crise se profile.
Je le vois, dans ces moments où mon second cœur écrase son ainé de pulsations violentes. Il sonne le gong. Il l'appelle. Encore. Le cauchemar.
Le verre échappe à mes doigts tremblants, s'écrase sur le sol, une pluie brillante s'éparpille, le carreau se fissure sous le choc, se craquèle, comme ma raison qui commence à céder.Le jus de fruits rouges éclabousse mes espadrilles et le pied de table. Sa teinte sombre tache ma vision qui se dédouble.
Je regarde cette main, aux phalanges rouillées. Je ne les sens plus, et le frisson qui les parcourt ne veut pas cesser. Alors je serre les poings, lentement mais surement, jusqu'à ce que mes ongles plantés dans mes paumes ne ramènent un peu de sensibilités dans ces extrémités qui m'échapent.
J'écarte de nouveau mes doigts, les traces demeurent, démangent.
J'inspire et expire, en égrainant les secondes dans mon esprit.Mon estomac fait un looping. Le monstre... je l'entends hululer, il crèvera mes tympans de l'intérieur s'il continue.
J'attrape le dossier de ma chaise et me rassoit. J'enfonce les coudes sur la table, à tenter de fendre le bois. Mes griffes s'accrochent dans mes cheveux, enferment mon crâne. Je compte les petit-pois que je viens de commencer à éplucher.
Détourner mon attention de ses chuchotements...
Un...
Deux...
Trois...Quatre... Cinq...La colère.
Six... Sept...
Un grain germé...
Une cosse ouverte...
Huit...La fureur.
Neuf...
Dix...
Onze...
Respire...
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Ira Irae
FanfictionLa Colère et son Poison cruel me rongent jour et nuit... Les réalités se confondent, mon esprit s'y perd, je ne distingue plus le vrai du faux, l'ami de l'ennemi. Je me méfie de tout, en particulier de moi-même. La fureur monte, elle me torture tel...