Bon retour chez les vivants.

24 5 0
                                    

Je ne sais plus quelle part est réelle, laquelle est un songe. Mon cœur est lourd, si lourd. Il écrase mes poumons. Il est si lourd qu'il me cloue au sol, tel un leste de pierres qui me fait couler, me noie.

Le temps m'échappe, j'ouvre et ferme les yeux, à des secondes, des jours, peut-être des mois d'intervalle. Ce n'est pas du sommeil. Ce sont les vagues d'inconscience contre lesquelles le moribond ne peut rien, sans certitude de se réveiller la fois suivante.

La forêt, l'épuisement, sa respiration saccadée, puis le moteur.
Puis les escaliers, je crois, je ne sais plus. C'est flou, si flou.

Enfin, on me couche...

On me touche, me manipule, parfois on passe un tison ardent sur mon flanc ouvert. On me parle peut-être, je n'entends pas.

Le vide ne m'effraie pas, moins que la douleur quand je reviens.
Je délire, je veux que cela cesse.

Je brûle. On passe régulièrement des gants mouillés, froids, sur les grands espaces de ma peau. C'est dans ces moments-là que je me sens la plus lucide. Je crois les entendre, des encouragement qui me parviennent au delà de la brume de mon esprit.

Je suis glacée, on m'enveloppe de couvertures.

Je brûle, on m'apaise.

Je suis glacée, je tremble.

J'ai mal, la douleur me prend au corps, la solitude me prend à l'âme. On pose un baume sur tout cela, au travers de la fièvre, je sens des bras de réconfort s'enrouler autour de ma coquille fêlée.

Je suis là, je n'y suis plus, je suis là, plus vraiment.
Dans cet état, j'aurai du mourir vingt fois. Pourtant je m'accroche, le Poison s'accroche. Quelque chose nous retient.

On me redresse, pour que j'avale un peu d'eau, et d'autres choses, moulues, diluées. Mes besoins naturels se satisfont sans mon aide, alors on me retourne, on me change.

Me voici aussi vulnérable et débile qu'un nouveau né, aux soins d'une personne inconnue. Je suis si faible, impuissante.

Le manège continue, me donne le tournis. Je crois aller mieux, avoir une pensée logique, une vue plus distincte. Je replonge plus profond encore dans les abysses.

Des larmes coulent sur mon visage, des sanglots me secouent, incontrôlables.

Je veux que cela cesse.

- Calme toi, c'est bientôt fini. Ssshut...

Une paume se pose sur mon front, chaude, apaisante. Mes pleurs se tarissent.

Le cauchemar se dissipe enfin, je crois voir le bout du tunnel.

'Papa'

Je m'endors.

***

Lorsque je reviens à moi, je retrouve une clarté d'esprit qui me semblait à des années lumière de distance.
Je reste silencieuse, les yeux tournant dans mes orbites, scrutant les motifs horribles du papier peint. J'ai la gorge sèche, ma langue est pâteuse.

A ma gauche, j'entends les bruits familiers des doigts qui filent sur les touches d'un clavier d'ordinateur. Je bascule la tête pour contempler son dos. Qui que ce soit, il n'a pas remarqué mon réveil.
J'hésite à me mouvoir, doutant des maigres forces qui habitent mon organisme.

Je repousse mes draps. Pour me trouver - plus emballée qu'habillée - dans un jogging cinq tailles trop grand et un T-shirt du même ordre de grandeur. Je me hisse sur mes coudes, puis mes poignets, doucement, avant de m'adosser à la tête de lit.

Ira IraeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant