- Lève le bras plus haut.
J'exécute et serre les dents. La douleur est résiduelle depuis qu'il a étalé la crème, mais elle demeure.
- Arrête de grogner s'il te plait, j'ai l'impression de panser un bête sauvage.
De ma main libre, j'attrape la bouteille qu'il vient de remplir. Je retire le bouchon à l'aide de mon pouce, porte le goulot à mes lèvres. J'ingurgite les trois quart.
- Vas-y doucement quand même. Ce sera moins drôle quand tu me demanderas d'aller aux toilettes.
Je hausse les épaules.
- 'Faut que je m'hydrate.
Penché sur moi, il continue de faire tourner la bande blanche autour de ma taille, avant de fixer son extrémité sur les épaisseurs précédentes.
C'est la seconde fois qu'il les renouvelle depuis mon premier réveil en fin de matinée.Depuis, j'ai énormément bu, mangé un peu de purée de carotte aromatisée à l'orange offerte par la propriétaire des lieux -que je n'ai toujours pas croisé cela dit- et piqué un long somme sur tout l'après-midi. Sieste au cours de laquelle ma vessie s'est soulagée dans la couche que je portais sous le caleçon. L'inconfort m'a tiré du sommeil et quand ma 'nourrice' s'est proposée pour me changer, j'ai retenu une crise de colère pour me contenter de lui demander un gant mouillé, du savon pour me laver, et une poubelle où jeter ma honte.
En convalescence, peut-être, mais ma dignité aussi a besoin d'un bon rétablissement.
D'ailleurs, à ce propos...
- Je peux m'occuper seule de ces bandages.
- Et faire un travail de sagouin?
Il attrape la bande suivante et recommence.
- Autrement, je t'avoue que c'est bien plus pratique de t'avoir consciente et assise que de devoir me battre avec une poupée désarticulée.
Je prends une gorgée de plus, le regard posé sur ses mains. Loin de me gêner, son contact sur mon abdomen me calme.
- Terminé.
Mon dos retrouve son appui contre le bois du cadre de lit, je remonte les draps et laisse couler un soupir.
Lui de son côté, évacue l'eau souillée de sa bassine dans la salle de bain et jette dans un coin la gaze à couleur douteuse et empestant le désinfectant. Puis, dans le silence, il se rassoit face à son ordinateur.Je ne suis pas causante, ni coopérative, et il l'a bien compris.
***
Un peu plus tard, on toque à la porte, m'arrachant à ma somnolence. Mon coloc s'écarte de son écran :
- Tu peux rentrer!
La poignée tourne et une femme de la quarantaine franchit le battant, un plateau fumant en équilibre sur une main.
Elle se fige en rencontrant mon regard puis pose sa charge odorante à mes pieds. Je la salue d'un mouvement de tête qu'elle me rend avec un sourire.- Enfin de retour? Tu nous as fait peur tu sais. (Elle fait un mouvement du menton vers mon sauveur) Lui aussi d'ailleurs, il m'a fait peur! A n'accepter de dormir que lorsque j'étais présente pour te veiller!
Je me tourne vers ce dernier qui se racle la gorge avant de désigner du bras la nouvelle venue.
- Je te présente Sonia, une amie de ma mère qui m'héberge depuis quelques mois et qui dans son infinie générosité, a accepté que je monte ton cadavre à l'étage de sa maison pour tenter de te ressusciter.

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Ira Irae
FanficLa Colère et son Poison cruel me rongent jour et nuit... Les réalités se confondent, mon esprit s'y perd, je ne distingue plus le vrai du faux, l'ami de l'ennemi. Je me méfie de tout, en particulier de moi-même. La fureur monte, elle me torture tel...