Palabres nocturnes.

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Le cliquetis familier des doigts sur le clavier se tait soudain.

- Bien dormi?

Je retrouve la verticale et me masse la nuque, commateuse. Léo se lève, secoue la jambe qu'il a dû prendre garde à maintenir immobile pendant ma sieste.

- J'ai roupillé longtemps?

- Deux heures un quart.

Je lui lance un regard surpris.

- Effet secondaire de mon intervention, j'ai un peu forcé la dose.

- Tu m'as carrément assomée.

- C'était mon intention en fait.

La touche d'humour fait remonter un coin de mes lèvres. Je me reprends aussitôt et attrape le dernier cookie dans la coupelle qui n'a pas changé de place.

- Je n'ai pas fini d'éplucher les petits pois...

- Sonia est rentrée, elle les a mis à cuire.

Je me lève.

- Il faut que je lui dise bonjour.

Je me dirige vers la cuisine, notre conversation du debut de l'après-midi me parait lointaine. Mon cerveau continue de mouliner son grain. Je me sens si calme et reposée, je n'ai pas envie de remuer ça maintenant.

- Mais voilà notre belle au bois dormant!

- Bonjour Sonia... je suis désolée pour le...

- Ne t'inquiète pas pour le carrelage! Ce n'est qu'un pèt' parmi d'autres. En parlant de petit accident, si tu savais ce qu'il m'est arrivé en sortant du bureau!

Je m'assois sur ma chaise. J'aime bien ses petites anecdotes, la façon dont elle me traite comme si j'avais toujours fait parti des meubles.

Léo arrive à son tour, nous mettons la table, allumons la lumière pour contrebalancer le jour qui décline.

Au cours du repas, à écouter leur conversation, je me surprends plusieurs fois à sourire. Léo le remarque aussi.
Je me renbrunis, sans pouvoir éteindre cette petite lueur qui se balade dans le creux de mon cœur. Je me sens vivante, un peu plus chaque instant que je passe ici. 

J'oublierai presque pourquoi je me suis 'éclipsée' du village, pourquoi j'ai pris le risque de mourir.
Je flotte dans un mirage, où mes crises sont comme de grandes gifles bien réelles, qui me rappelle à mon bon souvenir.

***

Un peu plus tard, alors que notre hôte est partie se coucher, nous veillons encore.
Assise sur un tabouret dans notre minuscule salle de bain, je tiens à Léo la bouteille de désinfectant. Il me signale.

- Ça commence à cicatriser... bizarrement...

Il me tend une immonde chose noirâtre, accrochée dans mes pansements.

- Beurk! C'est quoi ce truc?

- Ta croûte qui est tombée dans la journée.

- Hors de ma vue!

Je lui fait une pichenette sur le poignet pour qu'il l'éloigne.

- J'ai jamais vu un truc aussi étrange.

- Quoi donc?

- Ton système sanguin.

J'assène:

- Ça fait une semaine que tu t'extasies. Je peux me rhabiller?

Il hoche la tête et j'enfile son T-shirt qui me sert de pyjama.

Ira IraeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant