Sept portes jusqu'au cœur (4)

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Salut tout le monde! Une petite info avant de démarrer le chapitre! Pour tous ceux qui n'ont pas encore découvert le journal sur Code Rouge de Thunderland22 allez voir, les interview de multiples participants sont super intéressantes!

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Quatrième passage : Es-tu un cerf ?

Je tombe en arrière, et atterris sur mon postérieur. Je me replie tête dans les genoux, les mains crispées dans ma tignasse. Je m'autorise à souffler un bon coup et à relâcher un peu mes muscles. Leur stratégie fonctionne, et malgré mes précautions, je commence à me laisser porter par leur illusion. J'en viens à douter. Le doute n'est pas bon, il entraine ma frustration, mon ressentiment, puis ma colère. Encore ma Colère.

Les yeux fermés, je vois les images du début de l'examen coulées les unes après les autres, et je doute. Je doute de moi, de mes actions, de mes harangues grandiloquentes, et soudain tout cela me paraît affreusement ridicule. Si je n'avais pas un but, la véritable envie de sortir de ce Village, je pense qu'à cet instant précis... j'aurais abandonné.

Cependant, une fois de plus, j'inspire et je me redresse. Une clarté verte m'enveloppe, à nouveau c'est le plein jour, à nouveau la forêt... Ses bruissements doux me rassurent, me chuchotent calme et bien-être. Je respire à l'unisson avec la canopée, mon sang pulse dans mes artères de même que la sève se fraie un chemin au cœur des piliers de bois pour aller gorger les feuilles de vie, et mes narines de senteurs collantes. La magie du sous-bois opère et mon humeur reflue, la crise passe.

Le bruit d'un galop brise soudainement l'harmonie ambiante.

La cadence rythmée sur le sol de la forêt perturbe mon envoûtement, la répétition ininterrompue des chocs secoue mes organes et mes membres.
Devant, derrière, à ma gauche, dans le lointain et le tout proche, palpable et invisible, un animal fait de vent, à la course fluide et se riant des obstacles physiques, tourne autour de moi dans un manège dépourvu de murs et au toit inexistant.
Où est-il? Les échos me malmènent et je cherche leur source. Un frôlement dans mon dos, je pivote mais plus rien.
Le galop s'amplifie, la bête tourne en rond, d'autres viennent s'ajouter au ballet étrange auquel j'assiste, aveugle, à l'écoute, à l'affût.
Je perçois des ondoiements dans l'air, des nappes mouvantes que je ne peux pas distinctement cernées.
Le grondement des sabots ébranlant la terre agresse mes oreilles, brise mes tympans. Bientôt c'est un troupeau entier de fantômes qui s'affole. Des courants d'air me bousculent, je me retrouve à genoux. Les feuilles mortes et l'humus sont soulevés par pelletées sous la poussée du pas des esprits-frappeurs.

Chacun de mes mouvements est source de bousculades douloureuses, de collisions inévitables. Je vais pouvoir compter les ecchymoses, je les sens fleurir dans ma chair et répandre leurs premières teintes incongrues sur mon épiderme.

J'essaie une fois de plus de me dégager de l'œil du cyclone, un coup dans les côtes me renvoie rouler. J'ai le goût métallique du sang dans la bouche à cause d'une morsure à la langue. Je me tiens la cage thoracique, le souffle sifflant.

Tout cela n'est qu'une mascarade, il n'y a rien, les fantômes n'existent pas. Une hallucination n'est pas réelle, ce sont des effets psychosomatiques... Je peux me lever, m'avancer, rien ne peux me piétiner... parce qu'il n'y a rien. C'est un abus de mon imagination... La ronde de cervidés caméléons ne jouera pas plus longtemps avec mes nerfs.

Je ferme les yeux, les paumes plaquées sur les oreilles, je ne vois rien, je n'entends rien... je me persuade que devant moi, c'est le vide.
Je hasarde un pas, puis un second, rien ne vient m'entraver, me frapper...
Le soulagement se niche dans mon ventre et lorsque j'écarte les paupières, un cerf imposant m'attend.

Ira IraeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant