La première chose qui me vient à l'esprit lorsque j'ouvre les yeux, c'est que mes pertes de connaissances inopinées ont la fâcheuse tendance à se multiplier. Mon absence de maîtrise sur les situations qui s'enchaînent fait monter ma frustration. Je l'évacue avec un soupir, le regard toujours perdu au plafond, entre les poutres et les lames de parquet. Quels évènements cruciaux m'ont encore échappés pendant que je pionçais comme une doucereuse?
Mes yeux tournent dans leur orbites. Je contracte quelques muscles pour me redresser, mais de multiples courbatures et ecchymoses se manifestent se faisant. Je relâche tout dans un mouvement las. La rouste que je me suis prise est encore fraîche, je dois avoir une pommette défoncée, une estafilade à la gorge à en juger par le bandage, mes poignet sont meurtris, enfin, pas en reste : ma plaie sur le côté et mes douleurs aux côtes résonnent dans un bel ensemble.
Je me demande si je retrouverai jamais une condition physique normale...Je n'ai pas de raison de paniquer pour le moment, après tout : on ne m'aurait pas soignée et allongée dans un lit douillet, confortable, aux draps frais, dans une chambre calme avec les rideaux tirés, si c'était pour me torturer et me tuer dans l'heure qui suit.
Je tourne la tête vers les-dits rideaux, de beaux rayons dorés filtrent par le bas, et illuminent un coin de ma housse vert pomme. Après quelques efforts et grimaces je réussis à me hisser sur mon derrière, malmené par mes chutes lui aussi.
D'un bras tremblant, j'écarte le tissu épais qui obstrue la fenêtre. La lumière de fin d'après-midi emplit la pièce en oblique, je plisse les yeux. Je vois alors l'auberge - le grenier à grain - , dont l'ombre s'étire sur la terrasse Est. J'en déduis que je me trouve au premier étage du moulin, le bâtiment du personnel et logis des propriétaires.Mais qu'est ce que je fais là? Où est Léo? Ce n'est pas lui qui a mis les sparadraps sur mon flanc, il ne les ajuste pas comme ça. La porte de la chambre s'ouvre, je me redresse, soudain aux aguets.
- Ah. Tu es réveillée.
La serveuse aux cheveux blancs m'adresse un grand sourire, referme derrière elle et s'approche.
- Je suis Maïwenn, la fille de la propriétaire du moulin. Ton ami Léo voulait attendre que tu te réveilles pour s'éloigner mais lui et son ami sont finalement en train de discuter avec ma mère en cuisine là-bas.
J'ai un hochement de tête vague à sa désignation du menton, et continue de la décortiquer du regard. Elle non plus, elle n'est pas très belle à voir. Doumé ne l'a pas ratée, ses cheveux détachés effleurent ses épaules nues, contusionnées. Elle continue :
- Je suis vraiment désolée, si j'avais réagi plus rapidement une fois que je t'avais reconnue, nous aurions pu échapper à cet échange un peu trop... musclé.
Elle esquisse un sourire de ses lèvres tuméfiées et fendues, en désignant ses bleus. J'esquisse un rictus, et pose la question qui me taraude le plus :
- Qui êtes vous?
Elle, n'est pas un Loup, contrairement aux deux autres. La troisième ombre dans l'Intradimensionnel n'en était pas un non plus. S'il ne sont pas une meute, qui sont-ils? Des amis de mes parents? Des connaissances des amis de mes parents? Un groupuscule indépendant des Villages vivant dans le secret? Qui?
Le visage de la jeune femme se referme, devient plus sérieux, et ses yeux se remplissent d'émotion, émotion qui fait également vibrer sa voix :- Nous sommes ta famille, Ira.
J'écarquille les paupières, et ce sont bien des larmes qui brillent aux coins des siennes. Je répète comme un automate, un peu hébétée:
- Ma famille?
- Je... ce n'est pas ma place de... Il vaut mieux que l'on discute de cela tous ensemble, avec ma mère et nos... mes frères. Je vais leur dire que tu es réveillée, ne tente pas de te lever et attends moi ici.

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Ira Irae
FanfictionLa Colère et son Poison cruel me rongent jour et nuit... Les réalités se confondent, mon esprit s'y perd, je ne distingue plus le vrai du faux, l'ami de l'ennemi. Je me méfie de tout, en particulier de moi-même. La fureur monte, elle me torture tel...