Faille

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Trois crêpes, garnies jusqu'aux limites du possible... trois crêpes chacun, et je les crois assez bien partis pour ne pas s'arrêter là. Les deux s'empiffrent avec appétit, pendant que je picore la première crêpe banane chocolat amandes grillées avec supplément glace vanille de ma vie. Il y a beaucoup d'aliments pour lesquels nous sommes rationnés dans les Villages, cela concerne une très grande partie des produits transformés à l'Extérieur. Chez Sonia, j'ai découvert les chips, certains fruits exotiques, la glace, et le chocolat... surtout le chocolat. Elle s'obstinait à vouloir me remplumer, et il y avait de quoi. Ma "mort passagère"a épuisé mes forces et fait fondre mystérieusement mes muscles,déjà que je n'étais pas épaisse...

La glace est bonne, le chocolat fondu gourmand, mais à l'arrivée de ces délices, mon estomac se contracte de protestation. J'ai autre chose à faire que de me remplir la panse à la différence des deux gloutons qui me font face. Je me dandine sur ma chaise depuis déjà cinq minutes, et ma patience atteint son point de rupture.

Je trouve l'excuse parfaite et repousse mon assiette et ma chaise.Léo interrompt son festin :

- Tu ne manges pas? Où vas- tu?

- Je reviens, je vais aux toilettes. Et pas touche à ma part.

Le trentenaire daigne abandonné sa pitance une poignée de secondes pour me sermonner :

- Pas de balade dans notre dos.

- Tu veux me suivre dans les cabinets, monsieur le flic?

Je ne laisse pas le temps au lézard de soupirer de lassitude et me dirige d'un pas décidé vers l'écriteau en bout de salle. Les toilettes se trouvent au rez de chaussée et on y accède par l'extérieur. Je les ai vu en arrivant. Le bâtiment qui m'intéresse se trouve du côté opposé à la fenêtre de notre table. C'est parfait. Je peux mener mes recherches sans me coltiner le rat.

Je descends avec naturel l'escalier de briques quand on m'effleure le bras. Je me retourne vers l'individu. Léo m'a suivi.

- Qu'est ce que tu fais?

- Je vais au petit coin moi aussi.

Je roule des yeux. Il répond avec un sourire, et me pousse à continuer ma descente dans les marches que je venais d'interrompre.

- Doumé est occupé avec son assiette. Je me doutais que tu t'éclipserais pour mener seule ta chasse au trésor. Je préfère t'accompagner.

Je réponds un peu sèchement.

- Ok. Tant qu'il me fout la paix.

- Oui mais, si la pause pipi s'éternise, il va venir nous chercher.

- J'en ai conscience et c'est pour ça que je me dépêche.

- Et où va-t-on le chercher ton labo exactement?

 - Ne pose pas de questions, tu verras bien.

Nous croisons plusieurs clients et serveurs. Je sens des regards sur moi, presque une intrusion mentale. Je me débarrasse de ce malaise dans un frisson et trace la route au bras de mon camarade. Je mets cette gène sur le compte de mon apparence hors normes et de ma paranoïa.

Nous traversons sans encombres la pelouse. On s'éloigne encore du grenier à grain qui est bientôt camouflé par quelques arbres. Au bout de notre court chemin de terre, se trouve une petite grange excentrée, pareille à l'image que j'en avais. Du matériel de jardinage et d'entretien est entreposé devant. Nous contournons le tout jusqu'à l'arrière, où une porte au bois émietté, aux gonds rouillés, a été laissée ouverte.
Je sens le contact d'une substance froide sur ma peau. J'ai à peine le temps de lever les yeux que la mue du lézard nous a déjà entièrement recouverts.

Ira IraeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant