Promesse d'une Vie (T2)

Nouveau départ

Mardi 17 août

Point de vue d'Iliana

Je laisse Jace dormir le plus longtemps possible et m'en vais prendre une douche sans faire de bruit. Nous nous sommes recouchés assez tard, nous laissant aller l'un contre l'autre alors que notre esprit essayait d'encaisser ces nouvelles informations, ou de les oublier encore une fois en ce qui concernait Jace.

De ma salle de bain, je vois le soleil commencer à montrer le bout de son nez, tout timidement, faisant refléter dans les miroirs du rose et de l'orangé. Cela donne une atmosphère presque irréelle à la pièce, comme si j'étais encore dans un rêve. Sauf que ce n'en est pas un : je suis bel et bien éveillée et ce matin, j'allais me surpasser pour montrer à Jace que je tiendrai ma promesse afin qu'il puisse repartir sereinement.

Je baille en posant mes mains à plat sur le lavabo et ne tarde pas à me mettre sous la douche pour me réveiller complètement. Je ferme les yeux et rejette ma tête en arrière en laissant les bienfaits de l'eau faire effet sur mon corps et mon esprit mitigé.
J'ai cette boule au ventre qui ne m'a pas quitté depuis que nous sommes retournés nous coucher quatre heures auparavant. Les révélations de Jace m'ont vraiment choquées et le fait qu'il m'ait mis devant mon manque de volonté au niveau de ma guérison m'a blessé. Cependant, je n'avais rien montré, hormis mon sentiment bien réel : je l'aimais et malgré les erreurs qu'il avait pu commettre, je le soutiendrai et croirai toujours en lui. Après tout, il avait parcouru un long chemin pour devenir celui qu'il était aujourd'hui, quelqu'un de bien, et c'était ça qui comptait. Lui en vouloir pour les erreurs du passé aurait été vraiment idiot.

Alors qu'inspire et expire profondément, je pose mes mains sur mon crâne chauve. Le docteur Benson m'avait fait la longue liste des effets secondaires que pourrait impliquer l'immunothérapie, mais il avait aussi ajouté quelque chose que j'avais hâte de retrouver : la pousse de mes cheveux. Il fallait que je sois patiente, le temps que les produits de la chimio quittent mon corps et que celui-ci comprenne qu'il devait reprendre son travail comme avant.

Le temps... Tout était une question de temps dans la vie. Mais est-ce qu'il est vrai qu'il aidait à guérir toutes les blessures ? J'essaie de me mettre à la place de Jace, d'imaginer mon père mort dans un accident, Amy d'une overdose et Jace du cancer. Ces pensées me glacent le sang et je réprime un frisson. Non, même le temps n'aurait pas suffit pour que je puisse me relever. Perdre ceux qui nous sont chers en l'espace de seulement quelques mois était un véritable cauchemar que personne ne devrait avoir à connaître. Chacun devrait vivre jusqu'à un âge qui lui permettrait de profiter de sa vie et de son entourage.

On en avait beaucoup trop enlevé à celui que j'aime, la vie lui avait fait trop de mal, alors je n'allais pas la laisser faire encore. J'allais me battre pour qu'il ne souffre pas une autre fois. Parce que cette fois-ci, rien - que ce soit la drogue ou le temps - ne pourrait l'aider à remonter la pente, il serait incapable de se relever de nouveau. Voir un psy n'y changerait rien, sa famille n'y changerait rien, prendre un nouveau départ dans un endroit où personne ne le connaissait et où les ombres du passé lui paraîtraient moins réelles n'y changerait rien.

Il se laisserait mourir.

J'avais malgré moi la vie de plusieurs personnes entre mes mains. Si jamais je continuai à me laisser aller, Jace en pâtirait, sa famille, la mienne, nos amis, ceux qui nous connaissaient de près ou de loin. Car ce qu'il faut savoir, c'est que chaque vie est reliée à d'autres plus ou moins directement. Chaque naissance entraîne la joie dans les familles et la vie d'inconnus, il en va de même pour la mort, si ce n'est que la joie est métamorphosée en abattement. Quand on naît, on ne sait pas ce qu'il nous attend, on ne sait pas que nous procurons de la joie ; puis on grandit, on prend conscience de ce que notre vie implique pour les autres et ce que le monde a à nous apporter - ou à nous prendre. Puis il y a la mort. On sait que si ça doit nous arriver, ceux qui nous entourent en souffriront et que cette tournure de vie sera irréversible.