Un savant médecin ne pouvait inscrire son nom sur la couverture d'un ouvrage si peu sérieux ~ Jacques Boulenger, Introduction à l'édition des Œuvres complètes de Rabelais, 1941.
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Soudain, je ne sais pas comment, (le cas fut subit , je n'eus loisir le considérer) Panurge, sans autre chose dire, jette en pleine mer son mouton criant et bêlant. Tous les autres moutons, criants et bêlants en pareille intonation, commencèrent soi jeter et sauter en mer après, à la file. La foule était à qui premier y sauterait après leur compagnon. Possible n'était les engarder, comme vous savez être du mouton le naturel, toujours suivre le premier, quelque part qu'il aille. Aussi le dit Aristoteles, lib 9 de Histo. animal, être le plus sot et inepte animant du monde.
Le marchand, tout effrayé de ce que devant ses yeux périr voyait et noyer ses moutons, s'efforçait les empêcher et retenir de tout son pouvoir, mais c'était en vain. Tous à la file sautaient dedans la mer et périssaient. Finalement il en prit un grand et fort par la toison sur le tillac de la nef, cuidant ainsi le retenir et sauver le reste aussi conséquemment. Le mouton fut si puissant qu'il emporta en mer avec soi le marchand, et fut noyé, en pareille forme que les moutons de Polyphemus , le borgne cyclope, emportèrent hors la caverne Ulyxes et ses compagnons. Autant en firent les autres bergers et moutonniers, les prenants uns par les cornes, autres par les jambes, autres par la toison, lesquels tous furent pareillement en mer portés et noyés misérablement.
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Proie a la calomnie des détracteurs perfides, Dr. François Rabelais est sur le point d'abandonner. L'écriture, bien évidemment. Et l'écriture c'est sa vie! Suicide??
Au lieu de cela, il choisit d'abandonner ... la calomnie (!) et s'embarqua, avec Pantagruel et Panurge, dans un voyage au delà des confins du monde.
ABANDONNER, c'est a dire?
C'est a dire : se désintéresser ... se détacher .... délaisser ... laisser tomber ....perdre de vue .... oublier. C'est a dire: NE PAS PAYER ATTENTION. ( Heisenberg, remember?)
Excellent mécanisme de coping, dirait le Psy.
De plus, Panurge aime à faire rire.
Tres loin, tout près ... au delà des confins du monde.
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L'obéissance, ça s'apprend, comme on apprend à faire des crêpes un mardi soir quand le désœuvrement tapine entre les oreilles, l'obéissance, c'est nécessaire quand le clairon sonne la charge et qu'on doit surmonter son incommensurable dégoût à devoir sortir de sa tranchée pourtant infestée de rats qui dévorent les amis malencontreusement démembrés, envahie par les poux qui sucent le sang de la tête, inondée d'une eau glaciale qui transperce le corps comme des aiguilles, parfumée de la sublime fragrance émanant de la décomposition de la chair qui reste si faible au contact d'une bille d'acier. L'obéissance, c'est obligatoire quand on doit quitter ce petit nid qui semble si douillet en comparaison avec ce qui se passe hors de la tranchée, c'est nécessaire pour contenir son envie de déposer une gerbe au monument des éventrés, des décapités, des brûlés vifs et des autres dont il ne reste même pas un seul petit morceau à donner aux corbeaux, l'obéissance, c'est un devoir au moment de l'assaut final, vers la bouillie généralisée et la soupe populaire aux vrais morceaux humains !
L'obéissance non réfléchie amène toujours à blesser quelqu'un et le monument qui suit est indispensable pour contredire la vérité qu'on ne fut rien, qu'on est rien et qu'il en sera de même pas plus tard que le lendemain matin.
Il ne faut pas être réticent à l'idée d'obéir mais à la condition de choisir ses maîtres, ce que l'on peut concevoir comme un bon compromis entre le déterminisme factuel et la liberté.
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Ulysse sans Ithaque
PoesiaEntre ce que je vois et ce que je dis, Entre ce que je dis et ce que je ne dis pas, Entre ce que je ne dis pas et ce dont je rêve, Entre ce dont je rêve et ce que j'oublie - La poésie. Se délie Entre le oui et le non: Dit Ce que je ne dis pas, Se ta...