Tome I - Chapitre cinquième

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Je ne sais pas combien de temps je suis restée là, sans bouger. Adossée au mur devant cette fenêtre improvisée. Je me morfonds sur mon sort. Je ne sais même plus quoi faire ou penser. Je ne sais plus où j'en suis. Je ne sais même plus pourquoi j'ai décidé de l'aider. Ah oui, c'est vrai ! J'ai repensé à son frère. Son petit frère qu'il veut absolument retrouvé. Dans un sens, ça me touche. Il aurait très bien pu le laisser là-bas. Je l'aurais compris.

Je secoue la tête et repense à ces moments que j'ai vécu étant plus jeune. Ces moments horribles. Je repense à la question de Kasey, concernant mes cicatrices. Non, ce ne sont pas des marques, mais des cicatrices bien réelles. Mes lèvres se tordent et je secoue la tête une nouvelle fois comme si ça faisait du vent dans mon esprit pour que cette pensée s'en aille. Je me force à repenser à quelque chose de positif. Mais rien ne l'est vraiment, dans ma vie.

J'ai toujours été seule. Je me suis toujours débrouillée par moi-même. Et je n'ai jamais rien partagé. Avec une amie... Ou un ami. Je n'ai pas de souvenirs heureux. Enfin si ! J'en ai un ! En fait, deux. L'un, c'est quand j'ai tué ma première bête à la chasse. C'était un écureuil à griffes noires. Ils ne sont pas aussi gentils qu'on le croit. Elles bouffent tout, ces petites bestioles. Il ne valait pas grand-chose, mais c'était déjà ça. Et l'autre... C'est un cadeau empoisonné que je me suis offert.

J'essaie de me raccrocher à ces souvenirs. Mais si on y réfléchit bien, il n'y a rien de super dans tout ça. J'ai blessé ou tué des êtres vivants, de toute manière. Mais c'est la vie. On vit seul et on meurt seul. Le reste, c'est du vent.

Je souffle un bon coup et me relève. Je reviens à la fenêtre et regarde en bas. Je dois dire que ça a un côté conte pour enfants, cet endroit. Comme une pièce remplie de lucioles. Ou de fées, comme dans cette comptine que j'ai lu une fois. Tout dépend selon le bon souvenir de chacun.

Je plisse les yeux et j'arrive à discerner Kasey, au milieu des gens dans une des allées. Il aide l'un des commerçants. Ils rient ensemble et avec les clients. Je me prends à sourire. Il est peut-être idiot et stupide des fois. Parfois même suicidaire mais on dirait qu'il est bon, dans le fond. Cependant, je le déteste pour m'avoir plongée dans ce merdier.

_ Désolée... Je croyais qu'il n'y avait personne...

Je sursaute en me retournant sur la droite. Une silhouette se détache dans la pénombre du couloir, s'éloignant de moi. Mes yeux deviennent des fentes et je reconnais Tania, la jeune qui nous a menés à notre chambre, hier.

_ Non, reste ! C'est rien.

Elle se retourne et s'approche pour entrer dans la lumière. Elle me sourit et adopte la même position que moi, appuyée sur la fenêtre et regardant en bas. Je la fixe encore quelques secondes et reporte mon attention sur Faniath.

_ C'est beau, vu d'ici, hein ?, souffle-t-elle.

Je le reconnais, oui.

_ C'est indéniable.

_ Autrefois, nous étions en haut. Il y a quelques années. J'étais encore petite. Je devais avoir cinq ans donc mes souvenirs me jouent des tours mais nous vivions dans la forêt, à côté d'ici. Mais nous avons dû partir quand les soldats de l'Armée ont commencé à raser. C'est pour ça que la rupture entre la plaine et le reste de la forêt est aussi nette. Nous ne voulions pas partir, alors du coup, on a tout fait pour demeurer dans notre forêt. On y est toujours, sauf qu'on est juste en dessous.

_ Mais il reste un arbre, non ?

_ C'est un faux. On l'a mis pour pouvoir espionner les alentours de notre village pour se préparer si jamais on nous retrouve et qu'on est attaqués.

NAMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant