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Tome III - Chapitre quinzième

(Pv Kasey)

Le soleil me tape dans les yeux. Les nuances rouges sous mes paupières me font grogner et enfoncer mon visage dans le coussin. Et il y a cette odeur. Cette odeur qui je ne connais pas, mais qui est enivrante. Elle traine partout, dans les coussins, dans les infimes fils qui constituent les draps et même sur ma peau.

Bordel mais j'ai fait quoi hier soir ?

J'entends des pas assez pressés dans les escaliers. Je me redresse, me tordant le dos pour rester à contre-jour. Et la tête de Tobias dépasse du cadre de la porte.

_ Kasey, on doit se...

Tobias reste planté là, quelques secondes.

_ Qu'est-ce qu'il se passe ?, demandé-je d'une voix pâteuse. L'assaut est avancé, finalement ?

Il ne me répond pas. Il regarde d'abord dans le lit, puis dans les moindres recoins de la chambre. Comme s'il cherchait quelque chose.

_ Qu'est-ce que tu cherches comme ça ? Tu me donnes le tournis à courir partout.

_ Où est-elle ?

L'odeur. Les draps. Mon corps à moitié nu.

_ C'est pas vrai... Qu'est-ce que j'ai fait comme connerie, hier soir ?

_ Je ne pense pas que ce soit une connerie, Kasey... Enfin, je suis sûr à cent pourcents que ça ne vient pas de toi, dit-il en soulevant pleins d'objets sur le bureau.

Mais qu'est-ce qu'il fabrique ?

Je me redresse complètement et commence à m'habiller. Tobias se retourne doucement vers moi et me regarde comme si j'avais perdu la raison.

_ Quoi ?

_ Où est-elle ?

_ Mais de qui tu parles ?

J'ai l'impression que le temps s'arrête. Enfin, que Tobias se met sur pause. Il baisse la tête, complètement perdu. Mais son regard reste fixe sur une petite boite argentée sur le bureau. Il la saisit à deux doigts et regarde l'objet de plus près.

Pourquoi mon t-shirt est de l'autre côté de la pièce ? Je me lève pour l'enfiler et, quand je me retourne, il tient encore la boite entre ses doigts, me regardant avec des yeux remplis de pitié et de confusion.

_ Bon dieu, Tobias, mais qu'est-ce que tu as à faire cette tête ? Kara fait encore des siennes ?

Je m'approche de lui et il cache la petite boite derrière son dos, interdit. Il y a quelque chose qui cloche.

_ Tobias, c'est quoi, ça ?

_ Rien. Je t'expliquerai plus tard. Faut que j'aille voir Berty. Je reviens.

_ Je t'accompagne.

Sans même répondre, Tobias marche comme s'il avait l'enfer derrière lui. Je le suis jusqu'au petit bureau de Berty.

On le trouve avec ses fameuses lunettes aux multiples loupes, regardant de près un mécanisme tout petit. Bobine de fer et fondeuse à la main, il relève la tête vers nous quand Tobias balance la boite sur la table. Berty la récupère et fronce ses sourcils.

_ Où t'as eu ça ?

_ A ton avis ?, lui répond Tobias.

Berty me regarde puis regarde la boite, pour retenir enfin son attention sur Tobias.

_ Oh non...

_ Oh si... Furie n'est plus là.

_ Quoi ? Furie s'est enfui ?

Ils se tournent doucement leurs têtes vers moi. Tobias n'arrive même pas à me regarder dans les yeux.

_ Si elle lui a fait prendre le comprimé...

_ Qui ça, elle ? Quel comprimé ?, prononcé-je vers mes interlocuteurs qui ont l'air de ne pas m'avoir entendu.

_ Ça se dissipe au bout de combien de temps ?, demande Tobias à Berty.

Je n'ai jamais vu Tobias comme ça. Il est très nerveux. Berty regarde la boite de plus près. Puis son visage commence à virer au blanc.

_ C'est ça, le problème. Ça ne reviendra peut-être jamais. J'avais deux paniers contenant ses machins. Si elle s'est servie dans celui de gauche, l'effet sera juste temporaire. Si elle s'est servie dans le panier de droite...

Tobias passe une main sur sa nuque. Berty enlève ses lunettes et se lève.

_ Je ne pensais pas qu'elle irait jusque-là pour le protéger, continue-t-il.

_ Moi non plus.

Décidément, je ne risque pas d'avoir les réponses à mes questions. Alors, je m'approche de la table et regarde la petite boite argenté. Elle est banale. Mais les lettres sur le couvercle m'interpellent.

Gomme à mémoire

_ L'un de vous m'explique ?

Je me retiens de hurler, tenant fermement la boite dans mon poing.

_ C'est qui cette tarée ?, hurlé-je.