Je redescends sur la place et Tobias vient vers moi. Je lui souris mais il a l'air soucieux. Je fronce les sourcils et m'approche de lui. Il est vraiment nerveux.
_ Qu'est-ce qu'il se passe ?, lui demandé-je.
_ Viens avec moi, j'ai un truc à te montrer.
Je relève un sourcil et pars avec lui. Nous traversons la place et nous croisons Tania en chemin. Elle est interloquée. Je lui fais un signe de main et un sourire pour la rassurer. Mais je n'ai pas le temps d'appuyer plus le fait que tout va bien.
Je continue de suivre Tobias, qui entre dans un couloir, puis dans un escalier raide. On monte plusieurs marches avant d'arriver enfin devant une porte en bois. Tobias l'ouvre et me regarde, comme pour me demander si je suis prête. Je lui dis d'ouvrir la porte et nous entrons dans une salle où sont disposés plusieurs ordinateurs et des radars. Sur un, on peut voir pleins de points verts, avec ce fameux trait qui tourne comme l'aiguille d'une montre sur le mode rapide.
Tobias s'avance vers le fond de la pièce où, au milieu, est installé une tourelle avec des jumelles incrustées dans une tige qui s'enfonce dans le plafond. Il s'arrête à côté et me fait face. Je le scrute pour voir comment il réagit. Toujours aussi nerveux.
_ Tu te souviens du signe dont tu m'as parlé, la première fois que tu es venue ?
_ Celui qu'il y avait dans mes rêves. Oui, je m'en souviens.
Il ne parle pas. Il désigne seulement les jumelles des yeux et revient sur moi. Mon sang se glace. Je tourne la tête vers les jumelles et regarde à l'intérieur. Ma vision est floue d'abord. Seulement une silhouette se laisse deviner. Je bouge une des manivelles sur la droite de la tige et la vision devient plus nette. Un homme d'une cinquantaine d'année est assis à une table. Il étudie des papiers. Il tourne la tête mais je vois mal. Un soldat vient se poster devant lui. Je ne vois que la moitié gauche de son corps. Et je vois un tatouage, sous la bretelle de son débardeur. C'est le même signe que dans mes rêves.
Dans ces rêves, j'étais dans ma chambre, la chambre que j'avais avant de m'enfuir. J'étais recroquevillée sur mon lit et je me balançais d'avant en arrière. J'avais peur. Je n'arrêtais pas de répéter « non » dans ma tête. Des bruits secs et aigus claquaient dans les airs. Je ressentais la douleur que les fracas infligeaient. J'avais très mal. Et même si c'était un rêve, quand je me réveillais, j'avais toujours la même sensation de brûlure très vive. Comme si l'on vous marquait au fer rouge. Et avant de me réveiller, ce signe flottait devant moi. Cette forme tribale avec ses pointes qui partent dans tous les sens, essayant de faire une chose harmonieuse. Puis, il me fonçait dessus et je me réveillais en sursaut, pleine de transpiration et suffocante. Même aujourd'hui, j'en tremble encore.
Je me reconcentre sur la vision que j'ai à travers les jumelles. L'homme avec qui le tatoué parle est toujours devant lui. L'homme tatoué a l'air de l'engueuler. Il fait un mouvement de la main et la personne part. Puis le visage du tatoué se découvre et mon sang s'arrête de se mouvoir dans mon corps.
Tout s'arrête autour de moi. Tout. Plus rien n'existe. Je ne sens même plus mon corps. Le sol se dérobe sous mes pieds et je manque de justesse de tomber. Si jamais la table n'avait pas été là, je me serai rétamée par terre. Je tremble comme une feuille. Les larmes me montent aux yeux et une haine gronde en moi comme un orage d'été. Menaçante et implacable.
_ Viens, je te redescends, me rassure Tobias.
Il tente de passer ses bras sous moi mais je l'en empêche d'un geste de la main. Je marche en chancelant vers la porte, sous les regards inquiets de ses collègues. Je ne parle pas. Je continue de trembler comme une folle, tentant de me reprendre en main. Tobias arrive à mon côté et me fais descendre les escaliers. Je m'en fiche de tomber. Le choc que je viens de recevoir est plus frappant que tout ce qu'il peut bien se passer.
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NAM
Science-FictionLes trois tomes de NAM, version finale (pas finie d'être corrigée, désolée s'il y a des fautes :) )