Chapitre 1

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CHRIS

Je n'étais pas de nature sociable mais je continuais à attirer les gens autour de moi, majoritairement contre mon gré. Helen espérait toujours que je m'ouvre aux autres depuis le jour où elle m'avait recueilli, et j'avais fait de mon mieux pour répondre à ses attentes, pour être un fils digne d'elle. Elle était la seule jusqu'ici qui m'avait accepté, qui semblait m'aimer... la seule à se comporter avec moi comme l'idée vague que j'avais d'une mère. Et malgré le cœur qu'elle mettait à l'ouvrage, je savais déjà que j'avais faillis en tant que fils. Mes nombreuses frasques m'éloignaient chaque fois de la vie qu'elle souhaitait pour moi. Et j'avais beau fournir des efforts qui me paraissaient inhumains, je n'y parvenais jamais. Derrière mes airs impassibles, je craignais chaque jour qu'Helen ne baisse les bras et ne m'abandonne, comme l'avaient fait ses prédécesseurs.

• • •

Je venais de quitter mon dernier cours de la journée. Assis derrière le volant de ma Pontiac GTO de 1965 noire – une voiture que j'avais pris du temps à retaper l'an passé – je voyais School of Visual Arts rétrécir dans le rétroviseur tandis que je m'éloignais de Kips Bay pour rejoindre Chelsea à environ un mile d'ici.

Je n'aurais jamais pu vivre sur le campus avec d'autres étudiants – par manque de sympathie, peut-être, ou parce que les gens attendaient souvent de moi des choses impossibles. M'adapter à leurs « normes » m'épuisait, j'avais besoin de mon havre de paix. D'un endroit où je pourrais être moi-même sans que l'on ne me pointe du doigt.

Alors j'avais emménagé dans notre résidence secondaire sur 16th St. Loin de la surprotection d'Helen qui était restée dans le Bronx, je soufflais enfin.

En dehors des cours, je passais le plus clair de mon temps à taper sur tout ce qui bougeait, à l'abris des regards. C'était salvateur, ça me détendait, quand la frustration me faisait grincer des dents... quand un con trouvait malin de m'indexer, me regarder de travers, ou tout bêtement respirer à côté de moi quand je désirais le plus être seul. De l'extérieur, je ressemblais à n'importe quel étudiant de SVA mais je me sentais à peine à ma place ; plutôt que de dépenser l'argent d'Helen sans compter, comme n'importe quel enfant semblable l'aurait fait avec celui de ses parents, je préférais travailler.

Même après neuf ans à ses côtés, je continuais à avoir quelques réticences. Sa figure maternelle n'avait pas encore une place complète dans mon esprit. Chaque dollar, cent qu'elle dépensait pour ma pomme me donnèrent la sensation d'une dette que je devrais lui rembourser un jour ou l'autre.

J'avais un boulot miteux comme barman dans une boîte de nuit du coin. Et pendant les vacances, je peaufinais mon apprentissage dans un salon de tatouage.

Et de temps en temps, sur un coup de tête, je faisais louer une chambre ici.

Mais aucune de mes colocations n'ayant fonctionné jusqu'ici, les propositions se firent plus rares et que je sois une personne difficile à vivre était devenu un fait connu dans les alentours. Cela fit donc deux mois depuis la rentrée que je jouissais d'une liberté absolue.

Je pressais le pas jusqu'à ma porte, impatient de me réfugier entre les quatre murs de mon appart. Je me voyais déjà peindre ou sculpter dans ma chambre, avec de la musique à en faire trembler l'immeuble lorsque j'aperçus quelqu'un assis devant ma porte d'entrée, entouré de cartons et de deux valises.

— T'es qui ? Et je peux savoir ce que tu fous là ?

Je le toisais d'un œil mauvais, légèrement sur mes gardes malgré ses airs fins, ses yeux candides, et les fossettes qui creusèrent ses joues lorsqu'il me tendit la main, tout sourire.

Be Yourself (Chris)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant