Chapitre 34

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KEITH

Ce soir encore, je rentrai sans trouver Chris dans l'appartement. Je n'avais reçu qu'un message de lui en milieu d'après-midi pour ne pas que je m'inquiète. Puis plus aucune nouvelle. Il n'avait répondu à aucun de mes appels, avait laissé presque tous mes messages en vue... Et ce depuis plusieurs jours.

J'avais maintenant dépassé le stade d'inquiétude. J'étais juste lassé.

Il ne me fuyait pas pour autant. Chaque fois que l'on se croisait, il me prenait dans ses bras dès que j'étais à proximité, et m'embrassait à en perdre haleine. Il était toujours aussi affectueux. Et, parfois, lorsqu'il rentrait le soir, complètement bourré, il l'était davantage.

Je savais que ses sorties étaient liées à sa récente retrouvaille avec son ancienne connaissance. Et je n'avais jamais eu le cœur à lui faire la moindre remarque. Chris semblait être accroché à cette part de son passé. À côté, je n'étais qu'un arriviste. Je ne me sentais pas à ma place pour donner mon avis.

La fin d'année approchait à grands pas. Sans compter nos emplois du temps chargés, Chris passait les ¾ de son temps dehors. Il avait bien commencé à voir ce dit Shane ici. Mais devant l'inconfort que ce dernier m'inspirait, Chris avait fini par avoir pitié de moi, et ne le rencontrait plus qu'à l'extérieur. J'en venais à regretter de ne pas avoir su prendre plus sur moi-même. Au moins, j'aurais pu passer plus de temps en sa compagnie... Cependant, il était à présent trop tard pour faire marche arrière. Chris prenait plaisir à traîner avec cette connaissance qui lui était si familière, et je me contentais d'attendre son retour.

Je m'étais endormi sur le canapé, devant la télé, lorsque j'entendis la porte d'entrée s'ouvrir au beau milieu de la nuit. Chris rentrait seul, riant pour je ne sus quelle raison, puis se cogna bruyamment avant de jurer et de balancer ses clefs sur le comptoir.

— Chris ? marmonnai-je, ensommeillé, me frottant les yeux, avant d'essayer de le distinguer dans la pièce sombre.

Appuyé d'une main contre le mur, il retira ses chaussures avec ses pieds, bredouillant des choses inintelligibles. Lorsqu'il comprit qu'il ne réussirait pas l'exploit de défaire ses lacets sans avoir à se baisser, il se mit à bougonner.

— Attends, pouffai-je avant de me lever.

Je m'avançais vers lui, et le fis presque sursauter en apparaissant à quelques centimètres de lui. De toute évidence, Chris ne m'avait entendu l'accueillir.

Adossé contre la porte, il m'observait dénouer ses lacets et lui retirer ses Doc Martens blanches, souriant béatement.

— Salut, mon ange...

Sa main caressa tendrement mes cheveux mais je m'en dégageai, agacé. Même à cette distance, son haleine empestait l'alcool à plein nez.

— J'adore te voir à genoux devant moi, bredouilla-t-il amusé, avec une voix pâteuse.

Je ne relevai pas son sous-entendu lubrique, et me redressai pour passer un bras dans son dos tandis que le sien tomba sur mes épaules.

— Tu es magnifique, Keith, murmura-t-il près de mon visage.

Je l'ignorai toujours et continuai mon ascension jusque dans sa chambre. Le transporter me demanda un effort énorme. Je m'essoufflai, sentis mes joues et mes oreilles chauffer de plus en plus. Et Chris, ne se doutant de rien, persistait à m'avouer combien je le subjuguais. Je savais ne pas être moche, mais à l'entendre ce soir : « j'étais d'une beauté céleste, façonnée par les anges, peaufinée par la main de Dieu lui-même... » Il délirait complètement.

Finalement, je n'étais même plus sûr qu'il s'adressait à moi. Par moment, il semblait surtout penser à voix haute.

Quand je passai enfin la porte de sa chambre, je le lâchai presque sur son lit. J'expirai profondément et m'étirai le dos, pendant que Chris restait immobile, étalé sur ses draps. Je vis ensuite ses bras bouger comme s'il s'amusait un faire un ange de neige sur son lit.

Be Yourself (Chris)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant