Chapitre 10

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Cramponnée à son volant, Helen conduisait, pensive.

Devant le caractère explosif de son fils, elle n'avait pas osé lui avouer qu'elle avait vendu leur maison dans le Bronx depuis près d'un mois. Elle le savait attaché à cette ville, et, même sans en connaître la raison, elle avait deviné que le passé qui l'y liait n'avait rien de bon.

Elle avait adopté Chris il y a presque dix ans maintenant et elle l'aimait comme si elle l'avait enfanté elle-même. Il faut dire qu'elle était bien plus proche de lui que son rejeton pouvait l'imaginer.

Helen l'avait vu grandir, elle l'avait élevé, s'efforçant chaque jour qui passait d'effacer la lueur sombre qui habitait son regard, encore aujourd'hui. Elle lui avait donné le meilleur foyer dont elle avait été capable, parfois stricte, parfois lassée, elle n'avait jamais cessé de l'aimer. Elle espérait le meilleur pour lui, comme n'importe quel parent aimant pour son enfant.

Mais aujourd'hui, elle avait compris que Chris ne changerait pas de sitôt, peut-être jamais. Pas quand elle revoyait très clairement son absence de remords. Pas quand elle parvenait à deviner le sourire qu'il réprimait en repensant à ses actes.

Helen aurait voulu croire qu'il n'y était pour rien, du moins qu'il y avait été poussé. Mais elle connaissait son fils. Elle mettait sa main à couper qu'il avait fait tout ceci de son plein gré et qu'il s'y était en plus donné à cœur joie.

Elle avait été inquiète de le laisser étudier aussi loin de sa surveillance et, après cet incident, elle l'était davantage.

Elle repensa à ses fréquentations ; elles ne lui semblèrent pas bien dangereuses. Du moins pas assez pour entraîner Chris à faire des choses en dépit de lui-même - une mère sentait ces choses-là.

Elle pensa à Keith, ce jeune garçon à qui Chris avait fait louer une chambre. Et elle lui en voulut, un peu.

Helen n'était pas une femme fermée d'esprit mais elle ne put s'empêcher de penser que Keith y était pour quelque chose dans cette histoire. Que si Chris s'était entiché d'une fille comme la société le voulait, il n'aurait pas eu à se battre pour ses droits, surtout qu'il n'avait aucun scrupule à le faire littéralement. Ce n'était pas tant l'envie de petits enfants ou celle de converser avec une éventuelle belle-fille qui la firent penser ainsi.

Juste...

La crainte ?

L'inquiétude.

De voir Chris s'éloigner d'une vie sociétalement banale, normale, rythmée par la routine, lui qui était déjà bien atypique.

Mais si ce n'était que cela, alors le temps l'aurait aidé à accepter, devant les sourires de Chris, elle ne se serait plus inquiétée de rien et aurait elle-même pris les armes pour se battre aux côtés de son fils. Keith n'était pas un problème en soit ; il avait l'air d'être un bon garçon.

Sa tante en revanche...

Elle lui était familière. Elle lui inspirait un sentiment froid, une impression lugubre qui lui tordit l'estomac et lui noua la gorge. L'avait-elle déjà croisé ? Elle ne parvint à s'en souvenir mais pour ressentir de telles choses à son égard la tante de ce jeune Keith ne pouvait être oubliée aussi facilement.

Helen conduisait toujours, rêvassant, cherchant des solutions, culpabilisant de ne pas être en mesure de calmer ce fils qu'elle chérissait tant.

Be Yourself (Chris)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant