Be Yourself (Chris)

Chapitre 42

— ... Tu es quoi ?
— Sociopathe.

...

— Et qu'est-ce que ça signifie ?

Je haussai une épaule.

— Je n'en sais trop rien. Dans mon cas, je ne ressens pas la majorité des émotions.

Je choisis de passer sous silence tout autre symptômes risquant de l'effrayer.

— Ce qui veut dire ?

J'avisai son air perplexe. Que voulait-il que je lui explique de plus ? Je ne savais pas moi-même ce que tout ce charabia voulait vraiment dire. Je me creusai alors la mémoire, tentant de me rappeler les mots qui m'avaient été dits auparavant. Ce qui n'avait jamais eu aucun sens pour moi en aurait peut-être pour lui.

— Que mon corps ne réagit pas comme il le devrait, commençai-je. Que je peux être insensible face à certaines situations, et impulsif à d'autres.
— Donc... Tu ne ressens la peur ? Ou la joie ?

Je haussai une épaule.

— Je n'en sais trop rien. Ce qui est inné chez toi à dû me l'être expliqué, Keith. C'est un peu comme si je récitais intérieurement ce qui définissait chaque sentiment, comme une leçon apprise par cœur, avant d'essayer d'agir en conséquence.

Keith fronçait les sourcils. La main qui me caressait la nuque s'était arrêtée depuis plusieurs minutes alors qu'il cogitait durement.

— Ça m'a l'air éprouvant, grimaça-t-il finalement.
— Les premières fois, ça l'a été. Maintenant, c'est plus ou moins devenu un automatisme.

Le grand immeuble se tint devant nous depuis un moment mais nous n'y prêtions à peine attention. Je me garai sur notre parking puis coupai le moteur ; un silence de plomb prit d'assaut l'habitacle.

Keith semblait rassembler une à une les informations que je lui avais donné, peut-être même les mettait-il en lien avec ce qu'il savait déjà sur le sujet ? Sur ce qu'il pensait savoir ? Sur ce que nous avions vécu ensemble jusqu'ici et qu'il voyait enfin sous un nouveau jour, une autre perspective...

— Chris ?

Sa voix ne fut plus qu'un souffle. J'ignorai quelle conclusion il en avait tiré pour paraître si nerveux.

— Et l'amour ?
— ... Quoi l'amour ? le repris-je, haussant un sourcil.
— Es-tu capable d'en ressentir ? Même partiellement ?

Je haussai les épaules pour la énième fois de la soirée.

— Aucune idée, Keith.

Il me fixa soudainement avec des yeux ronds. Et, pour la première fois depuis que nous étions dans le véhicule, reprit sa main avant de s'adosser sur sa portière, mettant le plus de distance possible entre nous.

Devant son air attristé, je compris ce qu'il craignait tant.

— Mon ange, je ne sais pas si je peux aimer mais je suis certain que je tiens à toi, le rassurai-je.

Je posais une paume sur ses mains qu'il triturait.

— Je ne suis sûr de rien, Keith, sauf de l'attachement que j'ai pour toi. Je n'agis de cette façon qu'avec toi.

Il releva doucement son regard.

— Alors, même si ma définition de l'amour n'étant qu'un flou de réactions impulsives diverge de la tienne, j'espère t'aimer.

Un fin sourire trôna sur sa bouche. Je l'observais tourner légèrement sa tête vers la main que j'avais posé sur sa joue, et en embrasser délicatement la paume.