Be Yourself (Chris)

Chapitre 37

— Je n'arrive pas à croire que tu ais fait une chose pareille sans sourcilier, soupira Rule, secouant la tête.
— Tu m'as pourtant déjà vu faire bien pire, ricanai-je. Et tu l'as vu comme moi, il s'est jeté de lui-même par la fenêtre.

Rule me fixa, abasourdi, la bouche béante. Je ne compris pas ce qu'il l'étonna autant. Ce n'était pas la première fois que j'ôtais la vie de quelqu'un sous ses yeux. Et il avait vu comme moi ce que Shane avait été prêt à faire ; je ne m'étais pas débarrassé de quelqu'un qui ne le méritait pas... Je venais même d'accomplir un acte citoyen !

Je ris intérieurement, sachant pertinemment qu'il n'y avait rien de citoyen dans mon geste. Une personne raisonnée aurait appelé la police, porté plainte, faire en sorte que cette crapule finisse sous les barreaux... Mais je ne possédais aucune raison. Je n'avais cherché qu'à me débarrasser définitivement de celui qui avait posé les mains sur Keith. L'existence de Shane commençait à mettre en péril le lien que j'avais tissé avec mon petit ange, à malmener l'environnement dans lequel je m'épanouissais chaque jour, à perturber mon confort.

Rule avait eu raison ; faire réapparaître Shane dans ma vie ne m'avait été bénéfique en rien.

— Et tu comptes faire quoi maintenant ?
— Appeler les flics ? lui répondis-je avec un sourire en coin.

Ses sourcils se froncèrent tandis qu'il me regardait sortir mon portable et appeler la police. Je leur expliquai la situation, passant sous silence ce qui me liait à Shane. Savoir que l'on se connaissait était suffisant, pas besoin de préciser depuis quand et où. Je leur expliquai que sa présence ici fut due au fait que j'avais cherché à couper les ponts avec lui ; ce qui ne fut pas réellement un mensonge. Puis leur racontai ce qu'il avait été prêt à faire à mon ami sous l'emprise de la drogue.

Rule me dévisageait durant tout mon récit. Et quand je leur « avouai » que Shane s'était jeté par la fenêtre pour tenter de s'enfuir dans notre dos. Rule ne put s'empêcher de passer ses mains sur son visage. Je le savais désapprouver ma manière de faire et m'amusai de savoir que malgré sa désapprobation, il couvrirait toujours mes arrières.

Lorsque je raccrochai, Rule me fixait, ses bras croisés sur sa poitrine.

— Chris...

Je haussai les épaules.

— Je t'avais dit que je maîtrisais la situation, rétorquai-je.
— Tu appelles ça « maîtriser la situation » ?! s'énerva-t-il.
— Quoi ? Tu veux m'entendre dire que tu avais raison et que j'aurais dû t'écouter dès le départ ? Très bien, si tu veux. Mais j'ai quand même réussi à tout arranger au final, non ?

Il soupira passant une main rageuse sur sa tête.

— Je savais que tu avais un grain mais, là, tu es complètement déconnecté de la réalité ! Rien de ce que tu viens de faire n'a de sens, me réprimanda-t-il.

Je l'ignorai et me dirigeai vers la chambre de Keith. Une main sur la poignée, je me tournai une nouvelle fois vers Rule.

— Keith ne doit jamais savoir ce qu'il s'est réellement passé ici, le prévins-je.

J'appréciais Rule mais je n'aurais aucun scrupule à le faire taire d'une manière ou d'une autre s'il venait à perturber mon havre de paix.

Pas le moins du monde impressionné par ma menace implicite, Rule acquiesça quand même avant de me saluer. Que je n'ébruite pas sa présence ici avait certainement pesé dans la balance ; nous venions intérieurement de passer un accord. Un silence pour un silence.

Lorsque j'entrai enfin dans la chambre, je trouvai Keith exactement comme je l'avais laissé un peu plus tôt : profondément endormi, les yeux fermement clos et les sourcils froncés. Comme si ce qu'il s'était passé en dehors de ces murs n'avait jamais eu lieu. Je me rassis à la place que j'avais occupée, et me penchai afin de poser un léger baiser sur son front. Ce doux effleurement ne réussit qu'à lui tirer un grognement.