Chapitre 13

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Les doigts raidis par le froid de ce matin et mon corps trempé jusqu'aux os, j'insérai la clé dans la serrure tant bien que mal. Je n'étais pas ivre mais je n'étais pas très sobre non plus.

Lorsque la porte s'ouvrit enfin, je fus accueilli par une discussion houleuse entre Keith et sa putain de tante. Mon interruption eut tout de même le don de stopper net leurs cris. Je ne savais pas ce qu'ils se disaient et je m'en foutais pas mal. Tout ce que je voulais étaient la paix et mon chez moi comme je le connaissais depuis plusieurs mois. Mais alors que je m'avançais pour saluer mon petit ange, ce dernier détourna la tête légèrement à l'instant où ma bouche allait se poser sur la sienne. L'esprit embrumé par le manque de sommeil, je ne perçus pas ce mouvement comme je le ferais habituellement ; deux doigts sous son menton, je maintenus doucement son visage puis l'embrassai tendrement. Il ne me repoussa pas mais ne me rendit pas mon baiser, ses lèvres étaient juste là, elles se contentaient de réceptionner les miennes sans jamais les accueillir.

— Tu as bu ?

Il me fixait, les sourcils froncés d'incompréhension et de désapprobation.

— Saoul de bon matin, rit amèrement sa tante, c'est vraiment sur ce type de personnage que tu veux compter, Keith ?
— Oui, j'ai bu, soupirai-je. Non, je ne suis pas ivre. Eh oui, il peut compter sur moi, m'énervai-je.
— Chris...
Don't "Chris..." me! Je ne veux pas la voir chez nous, Keith !
— Tu vas vraiment le laisser me parler sur ce ton ?

Je levai les yeux au ciel.

— Keith, ce garçon exerce une mauvaise influence sur toi !

Je soufflai d'exaspération – entre le soupire et le grognement – avant de reposer les yeux sur mon petit ange qui semblait plus fermé que jamais.

— Tu n'étais pas brun avant ? le taquinai-je.

Je passai mes doigts dans ses cheveux blancs, eux, jadis bruns, qui arboraient il n'y a pas plus tard qu'hier un merveilleux jaune pisse. Un sourire se dessina enfin sur son visage.

— Et toi, tu n'étais pas sec ?

Sa répartie n'en était pas vraiment une et était l'une des plus nulles qu'il l'avait eu l'occasion de me lancer jusqu'ici mais un coin de ma bouche parvint tout de même à s'étirer dans un fin sourire.

Il pleuvait des cordes à l'extérieur, la pluie frappait nos fenêtres dans un bruit assourdissant. Deux, trois gouttes m'avaient convaincu de rentrer mais il n'avait fallu que quelques minutes pour que la pluie torrentielle s'abatte sur moi sur le chemin du retour. Je reniflais sans arrêt depuis que j'avais passé la porte.

— Tu n'as pas froid ?
— Je me les pèle, grimaçai-je.

Ses épaules furent prises d'une secousse quand il laissa un ricanement s'échapper.

— Keith !

Son interpellation nous fit presque sursauter. Comme souvent, il suffisait que nos regards s'ancrent l'un à l'autre pour oublier ce qui nous entourait. Keith tourna machinalement la tête vers elle ; son visage se ferma à l'instant où ses yeux se posèrent sur sa tante.

Son cou exposé devant, ce fut presque instinctivement que mes lèvres se posèrent sur sa peau tendue.

— Chris !

Il tenta de me repousser sans avoir l'air de le vouloir vraiment.

Quelques minutes, petites secondes à le taquiner avant que je ne le sente m'être vivement retiré. En alerte, mon bras maintint fermement sa taille contre moi. Keith rit de la situation à gorge déployée avant de lui-même saisir ma nuque de sa main libre et de m'embrasser à pleine bouche, avec toute l'ardeur et la provocation dont il était capable. Mais il avait beau sourire contre mes lèvres, je sentais à ses mains tremblantes que chaque parole que proférait celle qui se clamait fièrement comme étant sa seule famille le touchait, le tuait à petit feu. Plutôt que de partir, de tourner enfin les talons pour ne plus jamais revenir, elle prenait plaisir à insulter son neveu.

Be Yourself (Chris)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant