Be Yourself (Chris)

Chapitre 19

— Keith ?

Pour la « je ne savais combien » de fois depuis le début de la semaine, j'avais dû être sorti de mes songes.

— Tu viens manger ?

Holly m'avait posé cette question sans réellement s'attendre à un retour positif de ma part. Et, aujourd'hui encore, je m'étais contenté de secouer la tête en guise de refus.

Quelques jours à peine étaient passés mais la situation dans laquelle se trouvait Chris n'était plus un secret pour personne. Et au vu de nos derniers rapprochements ces temps-ci, il n'avait pas été compliqué pour mes camarades de faire le lien entre ma mine basse et l'état de mon colocataire.

Elle me fixa, un temps, l'air inquiète, avant de soupirer et reporter son attention sur les affaires qu'elle rangeait dans sa besace. De mon côté, comme à chaque fin de journée, depuis quelques jours, je faisais partie des premiers à sortir de la classe en catastrophe. Mon sac passé hâtivement sur une épaule, je me ruai vers la sortie.

Mon statut boursier m'empêchait de rester au pied de son lit tous les jours. Je passais mes journées en cours, rongé par l'inquiétude. Et chaque soir, j'étais effrayé d'apprendre une nouvelle insoutenable en passant les portes de l'hôpital.

Et ce fut le cas encore aujourd'hui. Bloqué par mes devoirs, j'étais dans l'incapacité de me déplacer. Bien qu'ayant séché plusieurs cours et mis mes responsabilités de côté au départ, la réalité m'avait vite rattrapé : les encouragements de Garett et Brandon à me concentrer sur ma vie, et le risque de perdre ma bourse me poussèrent à diminuer le nombre de mes visites.

Seulement, il m'était impossible de rester concentré sur ce que je faisais. Je ne cessais de zieuter mon portable, sautant dessus à la moindre notification. Brandon me faisait un rapport de la situation tous les jours, alors même qu'il n'y avait aucune évolution. Et ces quelques mots avaient beau m'empêcher de tout lâcher pour rejoindre Chris à l'hôpital, je continuai de m'inquiéter de mon côté, les dents serrées.

Et pendant les nuits où son absence devenait insupportable, je m'enfermais dans sa chambre. Je pleurais, bouffé par l'inquiétude...

Et la culpabilité.

Même si je tentais de ne pas y penser, je pouvais arrêter de penser que si je n'avais pas invité Chris à cette stupide réception, il n'aurait jamais eu à aller chercher ce maudit costume ! Rien de te ça ne se serait passé. Il aurait été près de moi. Ou du moins traînant dans l'appart comme à son habitude. Il serait en train de râler à cause de mes fiches éparpillées dans le salon. Et je me serais amusé de son agacement.

Mais non.

Encore ce soir, Chris n'était pas avec moi. Et je n'avais que mon inquiétude pour seule compagnie. Je mangeais de moins en moins. Et si Garett ou Brandon ne passaient pas m'apporter quelque chose, je ne me nourrirai sûrement pas.

Je ne connaissais Chris que depuis quelques mois. Et bien que nous ayons eu du mal à nous entendre au début, je me sentais aujourd'hui très attaché à lui. Ce n'était pas complètement de l'amour, mais ça n'en était pas loin. Il y avait de l'attirance, de la fascination, et surtout beaucoup d'attachement. Je m'étais habitué à sa présence. Et bien plus encore à son contact.

Je passais mes journées à me morfondre jusqu'à chacune de mes visites à l'hôpital. Et comme toujours l'état de Chris ne montrait aucune amélioration. Je restais au pied de son lit lui tenant la main, parfois lui caressant le visage, et lui parlais sans interruption, dans l'espoir que mes bavardages le tireraient de son sommeil profond. Il n'y avait évidemment pas l'ombre d'un mouvement. Juste un silence morbide et les sons répétitifs des appareils médicaux qui hantaient mes songes, même après mon départ.