Chapitre 39

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KEITH

J'ouvris les yeux sur une pièce qui me parut inconnue. Cela avait beau faire trois jours que j'étais arrivé là, je continuai d'être déboussolé à chacun de mes réveils.

Helen m'avait installé dans la chambre de Chris. Disons plutôt sa chambre attitrée car peu importait où mon regard se posait, il n'y avait rien qui montrait que Chris y avait effectivement vécu. Pas même l'ombre d'un pinceau ou d'un crayon taillé à la lame comme ceux qui remplissaient son bureau habituellement.

Sa seule trace à mes côtés fut l'un de ses sweats à capuche blanc que je lui avais emprunté. Redoutant le jour où son parfum n'imprègnerait plus le tissu, je continuai malgré tout de le porter à chaque occasion. La première fois que Helen me surprit avec, un discret sourire s'était peint sur son visage. Il avait être un peu trop grand pour moi, il n'avait au premier abord aucun signe distinctif indiquant son appartenance. Si ce n'était le crâne entouré de lys qu'il avait lui-même dessiné avant de le faire imprimé au dos du vêtement. Je soupçonnais Helen de s'en être rendue compte. Même sans remarque de sa part, elle semblait avoir compris à qui appartenait ce sweat, et pourquoi je le portais.

Je m'étirai, partis me rincer et trainai les pieds jusqu'au salon où je trouvai Helen, attablée. Ses lunettes à fine monture argentée pendaient sur le bout de son nez pendant qu'elle pianotait sur le clavier de son ordinateur portable. Elle était si penchée en avant, qu'elle paraissait prête à traverser l'écran à tout moment. Un pouffement m'échappa et attira son attention. Elle releva aussitôt la tête et m'offrit un sourire chaleureux, presque maternel.

— Ah Keith ! Bien dormi ?

Bien loin de son look professionnel soigné, Helen, encore en pyjama, avait relevé ses cheveux clairs en un chignon difforme au-dessus de sa tête.

— Oui, merci, répondis-je enfin.
— Tu veux manger quelque chose ? J'ai fait des gaufres, m'informa-t-elle en se levant pour me rapporter une assiette.

Je remarquai les cernes qui lui mangeaient le visage malgré son air rayonnant, et m'en voulus aussitôt. Cette femme occupée qui m'était complètement inconnue m'avait tendu la main, et je me sentais comme un poids lui imposant sa présence dans son emploi du temps déjà bien chargé.

Elle ne montra pourtant pas une seule fois une réticence à m'avoir ici, même pas l'ombre d'un regret. Helen était une hôte hors-pair et une source de soutien inconditionnel. Chaque attention qu'elle m'accordait était si innée que je commençais à y voir une certaine routine. Je visualisais aisément quel train de vie avait mené Chris sous le toit d'une mère aimante et protectrice. Loin des cris... des menaces... et autres abus.

Le peu de moments joyeux que j'avais partagé avec ma mère avaient été ternis par tous les souvenirs sombres qui avaient rythmé le quotidien de mon enfance. Et avant que je ne m'en rende compte, ma mère avait quitté ce monde, et le temps estompait ma mémoire déjà bien parasitée.

— Comment tu te sens aujourd'hui ? s'enquit-elle.
— ... Bien, fis-je d'une petite voix. Mieux.

Mais votre fils me manque horriblement.

Être auprès de Chris était devenu une réelle constante de mon quotidien. Je n'imaginais pas qu'être si loin de lui m'affecterait autant, encore moins pour trois malheureux jours. Mais ces trois jours équivalaient à mes yeux à trois journées et deux nuits sans sentir son souffle sur ma peau... À 58 heures sans avoir la chance de ne serait-ce que le croiser... À 3 480 minutes sans un regard tendre de sa part... Et je me retenais tout juste de compter les secondes.

— Je suis ravie de l'apprendre, répondit-elle avant de replonger dans son écran.

J'observais Helen, en sirotant mon mug de café et mangeant avec appétit l'assiette qu'elle m'avait donné. La cuisine de Chris avait beau me manquer, l'environnement bienveillant dans lequel Helen m'avait accueilli me relaxait en permanence, au point que la faim se rappela à moi sans problème.

Be Yourself (Chris)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant