Keith endormi sur mon dos, et Garett qui avait passé un bras de Brandon par-dessus ses épaules pour le transporter, nous traînions des pieds jusque chez moi.
Les deux charges saoules qui pesaient sur nous discutaient, entre eux ou peut-être avec eux-mêmes, et nous riions béatement de leur racontar d'ivrognes. Ils ne disaient rien de profond, ou même de cohérent. Ils déblatéraient tout sans retenu et sans gêne. Nous avions eu droit à bien des révélations, à quelques déclarations, à plusieurs aveux que nous oublierions tous au lever du jour, sans exception.
À l'instant où j'ouvris la porte, Brandon fut le premier à foncer à l'intérieur. Il le faisait toujours et chaque fois pour une raison différente.
Aujourd'hui, ce fut pour vomir.
Son corps avait été pris de secousses douteuses depuis que nous avions atteint le hall d'entrée. Garett s'était écarté par précaution, laissant Brandon se maintenir seul, à la seule force de ses jambes flageolantes. Je lui avais fait comprendre qu'à la moindre goutte, il nettoierait ce qu'il avait laissé mais l'idée de prendre une serpillère lui était assez rédhibitoire pour qu'il parvienne à se retenir.
Keith sur mon dos, je l'amenai vers sa chambre, laissant Garett se charger de la porte d'entrée. Je le laissai tomber sur ses draps défaits. Mes paumes appuyées sur mes genoux, je tentai difficilement de reprendre mon souffle. Keith avait beau pesé presque autant que moi, je n'avais aucun mal à le porter en temps normal mais, ce soir, j'avais autant d'alcool dans le sang que de globules rouges, si ce n'était plus. J'avais la sensation d'avoir fourni un effort surhumain ; je haletais, mon cœur cognait douloureusement dans ma poitrine et ses battements semblaient percuter mes tympans.
Je jetai un coup d'œil à celui qui dormait déjà à poings fermés tandis que je me redressais. Il avait beau puer la gerbe à plein nez, il paraissait paisible, peut-être un peu trop si je comparais ce moment à toutes les autres nuits agitées qu'il avait passées à pleurer, crier, ou encore me frapper. Je ne l'avais jamais réveillé, jamais essayé de le tirer de ses cauchemars, et parfois même, je l'observais, je contemplais ses traits se déformer par l'effroi avec une fascination croissante, je regardais la légère pellicule de sueur rendre sa peau moite... avant de le laisser là pour trouver le calme dont j'avais besoin sous mes propres draps.
À mon retour au salon, Brandy était profondément endormi, assis sur le canapé, et Garett semblait pensif, le regard hagard, rêveur - il souriait béatement dans le vide.
— Tu rentres ?
Ses paupières papillonnèrent, comme celles d'une personne qu'on aurait tirée trop précipitamment de ses songes.
— Je vais crécher ici, si ça ne te dérange pas.
— Ok, mais tu comptes dormir où ?
— Et toi, tu comptes dormir où ? railla-t-il avec un sourire en coin.Je le fixai sans comprendre l'éventuel sous-entendu.
— Dans mon lit... Où tu pensais que j'allais aller ?
— Dans les draps de ton amant, répondit-il aussitôt.Je fus instantanément pris d'une quinte de toux en avalant de travers.
— Mon... quoi ! ris-je.
— Tu sais très bien de quoi je parle.
— Non, je t'avoue que je n'en ai aucune idée.
— Keith !
— Quoi "Keith" !Nos exclamations à peine soufflées ne réussirent qu'à faire grogner Brandon, sans même le tirer de son sommeil.
— Tu en pinces pour Keith !
— J'ai une tête à en pincer pour quelqu'un ? Calme-toi ce n'était qu'un baiser.
— Je ne parle pas que du baiser, Chris... Putain mais regarde-toi !
— Mais qu'est-ce que ça peut te foutre, sérieux !
— Je suis juste content pour toi, dumbass !

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Be Yourself (Chris)
RomanceChristopher Stone, prénommé Chris, est un étudiant d'art à première vue banale, si ce n'est pour son impulsivité. Il aime faire la fête, boire, et a une énorme passion pour le tatouage. Lorsque son nouveau (co)locataire, Keith Adams, débarque, Chris...