Be Yourself (Chris)

Chapitre 14

KEITH

Depuis la visite de tante Meagan, je passais mon temps à appréhender la cérémonie qui arrivait. Elle n'avait aucune raison d'avoir lieu. Plus encore, ma présence n'y était sûrement pas requise.

Mon professeur m'avait repris plusieurs fois déjà mais c'était plus fort que moi : cette maudite fête me hantait. Les clichés projetés des autres élèves passaient sous mes yeux sans que je ne les voie, sans que je n'y réagisse.

Je savais déjà ce qui m'attendait là-bas... Des messes basses, des regards en biais, des faux sourires, et de la fausse compassion. Mes préférences étaient connues d'une majorité de tout le gratin ; je ne m'en étais jamais réellement caché. J'étais l'intrépide, le rebelle, le récalcitrant. J'étais à leurs yeux la personnification de la perversion et de la débauche. Et ils pouvaient bien penser ce qu'ils voulaient en temps normal mais là, avec toutes les paires de yeux braqués sur moi, il me serait plus difficile de faire abstraction de leurs jugements. Je me savais seul contre tous, en position de faiblesse.

Chris devait m'accompagner !

Je savais qu'il se tiendrait de mon côté, et il était assez imposant pour envoyer valser d'un simple sourire tous ceux qui essaierait de m'atteindre – un de ceux qui n'atteignaient jamais ses yeux. Plus qu'un bouclier, il serait mon allié, mon compagnon de route, mon frère d'armes.

Ce n'était pourtant qu'une fête, une "petite" réception – sans musique bruyante ou cris – mais je m'y préparais comme un guerrier s'apprêtant à foncer en plein champ de bataille.

• • •

Je passai la porte d'entrée avec l'intention de convaincre mon colocataire, de le supplier à genoux, en rampant si nécessaire.

— Chris !

Le bruit de l'eau qui provenait de sa salle de bain fut ma seule réponse. Plutôt que de l'y rejoindre pour l'attaquer directement, je décidai de me laisser tomber sur son lit pour y rassembler mon courage.

Je n'eus malheureusement pas l'occasion de réfléchir à un moyen d'accéder à ma requête ; son téléphone posé à côté de moi ne cessait de vibrer toutes les deux secondes et d'interrompre le fil de mes pensées. Ma curiosité devint soudainement plus préoccupante. Je la mis au premier plan. Il me fallait la satisfaire. J'oubliai Chris et combien il détestait que l'on s'immisce dans sa vie sans son accord, qu'on y jette un simple coup d'œil, en biais. Je regretterais sans doute mon geste, quand il me fusillera du regard. Quand il me refusera ce pour quoi j'étais ici. Mais saisir ce téléphone devint une obsession, un caprice auquel j'étais prêt à concéder.

Sans me jeter dessus, je pris l'appareil hâtivement ; l'écran se déverrouilla d'un simple glissement de pouce. Peut-être ne cherchait-il pas réellement à cacher quoi que ce soit au final.

Ses conversations, du moins les messages envoyés sans obtenir de réelle réponse, si ce n'étaient quelques 'OK' ou autres répliques brèves, étaient majoritairement à caractère sexuel, hormis ceux de Brandon, de Garett et de deux, trois numéros qu'il n'avait pas pris le soin d'enregistrer dans ses contacts.

Sur Instagram, ce fut le même genre de message mais en moins grande quantité, en bien moins grande quantité ! Et pour cause, hormis les personnes qui savaient qui se cachait derrière les dessins et les tatouages qui remplissaient son feed, il n'y avait aucune raison de recevoir ces messages. Ils allaient de la demande simple mais directe jusqu'à la supplication en passant par les approches plus diplomatiques du style « Salut, ça va ? », « Tu fais quoi ? » mais qui avaient tous le même objectif final : coucher avec Chris. Peut-être y avait-il cette intention sexuelle derrière certaine demande de tatouage mais je n'aurais su le dire.