Chapitre 16

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J'espérai sincèrement que c'était une blague.

Je ne pus que la dévisager sans dire un mot. Doucement, un nouveau visage apparaissait devant mes yeux. Je voyais dans ces traits étrangers se superposer aux miens avec aisance, comme s'ils avaient toujours été là sans que je ne puisse les voir. Aujourd'hui, l'évidence me sauta aux yeux, et même comme ça, je ne pus l'accepter.

— Tu es en train de me dire que tu connais ma mère... ?

Elle ne répondit pas et continua de sangloter contre moi.

— Et... elle est où en ce moment ?

Il y avait bien longtemps que je n'avais plus pensé à mes parents biologiques, que j'avais arrêté de m'imaginer les rencontrer un jour, d'espérer refaire partie de leur vie... mais après cette révélation, une vielle flamme se ralluma en moi. Je n'espérais pas me jeter dans ses bras dès notre première rencontre, ni même lui demander pourquoi elle m'avait abandonné sans jamais se retourner. Juste avoir la chance de la voir de mes propres yeux, de savoir qui m'avait lâché dans cette fosse aux crocodiles qu'était le monde réel, l'occasion de lui montrer que je m'en étais sorti, même sans elle.

— Je la connaissais, Chris.
— Comment ça, tu la connaissais ? Dis-moi où elle est, Helen.

Je la fixai, les yeux écarquillés. J'inspectai chaque petit mouvement de son visage, comme s'ils étaient les réponses à mes questions à peine pensées.

Ses doigts quittèrent enfin mon visage pour s'enrouler autour de mes mains.

— Elle est morte, n'est-ce pas ? souris-je amèrement.
— Je suis désolée, Chris...

Une douleur insoutenable sembla me percer la poitrine. J'avais beau ne pas y penser, je savais au fond de moi, qu'il n'y avait pas un seul jour sans que je ne veuille voir mes parents biologiques ; même en grandissant je restais un enfant abandonné cherchant son père et sa mère. Et aujourd'hui, Helen venait de me dire que je ne serais jamais en mesure de rencontrer la femme qui avait souffert neuf mois, pour me jeter dans la rue comme un malpropre quelques jours après.

— Ce n'est pas grave. Je m'en fiche pas mal, j'étais juste curieux.
— Christopher...
— C'est bon, Helen.

...

— Et pourquoi tu me parles d'elle maintenant ? m'énervai-je. En quoi c'est lié à la famille de Keith ?

...

Helen m'observait, silencieuse. Et à mesure que les minutes passaient, je sentais ma colère et ma frustration redescendre, et des larmes apparaître sur le coin de mes yeux, s'accumuler, devenir trop lourdes, avant de rouler en une seule et même masse le long de mes joues. J'ignorais pourquoi elles étaient là, je ne connaissais même pas cette femme ! Alors pourquoi pleurais-je pour elle ? Comment pouvait-elle faire naître en moi ce sentiment de manque sans je ne l'ai connue, et ne le ferais jamais.

— ... Comment... Comment elle s'appelait ?

Ma voix sortait difficilement, c'était à peine si je la reconnaissais ; basse, fluette, fragile, incertaine. J'étais loin du jeune homme confiant que j'étais habituellement ; le dos voûté, les coudes en appui sur mes genoux, je subissais mes émotions – ma tristesse.

— Briana, me souffla Helen, un fin sourire sur le visage.
— Et... elle était comment ?

Le sourire d'Helen s'agrandit.

— Elle était une jeune femme formidable.

Je ne pus que la lorgner en biais. Formidable, vraiment ?

Be Yourself (Chris)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant