Chapitre 10

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Elsa laissa les gardes conduire Loki dans la salle d'audience, et s'accorda elle-même un moment avant d'y entrer. Adossée aux colonnades, elle vit Anna parlementer avec les Einherjar qui avaient accompagné le dieu de la tromperie dans sa visite à Arendelle. Elle avait besoin de réfléchir posément à la situation ; or elle n'en avait pas le temps. Un ambassadeur l'attendait à dix pas de là, pourtant elle restait appuyée contre sa colonne sans avoir envie de quitter le lieu. Elle voyait bien Silvester parler avec les jumeaux, Olaf se demander pourquoi il avait l'impression de reconnaître le type qui venait d'arriver... Tout autour d'elle, les gens continuaient à agir. Il n'y avait qu'elle qui avait l'impression que le temps s'était arrêté. Et que, décidément, elle avait vraiment besoin d'une pause.

Elle soupira faiblement. Il allait falloir qu'elle combatte, qu'elle lutte pour ne pas sombrer à nouveau. Qu'elle s'explique, face à ses enfants, puisqu'elle n'allait pas pouvoir garder le secret bien longtemps. Et, de plus, il allait falloir qu'elle gère la « crise Loki », qui englobait tout ça, et bien plus encore. Rude programme.

Finalement, avec une nouvelle grimace, elle se redressa. Laia, qui passait par là, la salua poliment, mais retourna sans tarder à ses activités. Encore une preuve qu'il fallait que la reine s'y remette aussi. Elle se dirigea vers les grandes portes de la salle d'audience. Instinctivement, elle s'arrêta une demi-seconde, le temps de vérifier sa tenue. Sylvi s'était calmée, et en était revenue à la robe classique, bien que complexe et lourde. Celle qu'elle ne choisissait que pour les cérémonies officielles. Elsa réajusta son diadème, souffla un bon coup.

– La reine Elsa Frost d'Arendelle, annonça le héraut royal alors qu'elle passait les portes.

Bien sûr... songea-t-elle avec une grimace intérieure. Rajoutez les trompettes, la fanfare... Il faudrait vraiment que je fasse taire ces hérauts...

Dans son esprit, elle sentit que Sylvi aurait bien une remarque à faire à ce sujet, mais elle étouffa dans l'œuf les velléités de protestations. Ensuite, elle se tourna vers le héraut en question, et l'apostropha :

– Fermez les portes. Et dites à quiconque que c'est une rencontre privée.

Elle s'exposait au démon, elle en était consciente. Et elle allait finir encore plus secouée qu'elle ne l'était déjà. Pourtant, elle avançait consciemment vers le monstre qu'elle avait cherché à oublier pendant onze ans. Elle passa devant lui en l'ignorant consciencieusement, le temps que les battants se ferment et que tous les serviteurs désertent la pièce, s'installa sur son trône en feignant un détachement qu'elle était loin d'éprouver, et enfin, baissa les yeux sur lui.

– Alors ? Qu'y a-t-il de si urgent et de si secret qui nécessite mon attention et m'empêche de faire une audience publique ?

– Comment vas-tu ? demanda-t-il, ignorant la question, ses yeux fichés dans les siens.

– Si c'est pour me poser des questions sur ma situation actuelle, je peux faire ouvrir les portes et arrêter de perdre mon temps, répliqua-t-elle froidement. De plus, prince Laufeyson, vous ne vous êtes pas préoccupé de ma santé pendant onze ans, et ça n'y a rien changé. Il est donc inutile que vous le fassiez maintenant.

Loki donna soudainement l'impression que quelque chose s'était coincé en travers de sa gorge. Elsa avait repris son ton de reine, impérieuse et souveraine, et avait récupéré le terrain perdu. C'était un jeu politique pour elle, elle agissait comme une joueuse d'échecs : en masquant ses faiblesses.

Votre santé me préoccupe, grinça-t-il en appuyant sur le vouvoiement, parce que les manifestations de votre pouvoir sont en général basées sur votre humeur ou votre état physique. Et en ce moment même, une tempête est en train d'ensevelir Asgard sous une couche de neige fraîche.

Les Ténèbres dans nos Cœurs / Partie 2 : Beyond all known realmsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant