Chapitre 28

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Ils parvinrent sur les lieux du carnage après la bataille. Loki le vit tout de suite ; des corps de Chitauris étaient éparpillés partout autour. L'odeur du sang encore frais était particulièrement écœurante, il vit Eirik tressaillir à côté de lui. Il se baissa pour être à sa hauteur, arracha une bande de tissu au bas de sa tunique – les couturiers d'Asgard allaient pester – et la tendit à l'enfant en lui soufflant des indications. Suivant les conseils de son père, Eirik prit le tissu, l'attacha sur son visage de façon à couvrir son nez, et le frôla du bout des doigts. La bande verte se couvrit d'une couche de givre, assez fine pour laisser le prince respirer, assez épaisse pour filtrer les odeurs, qui se réduisirent à un léger désagrément.

– Merci, souffla l'enfant, sa voix étouffée par le masque.

Loki lui rendit un sourire, et se remit en marche. Mais Eirik n'en pouvait plus. Ils avaient parcouru une distance énorme, qu'il aurait d'habitude fait à cheval. Il resta sur place. Loki mit moins de deux pas à se rendre compte qu'il n'était pas suivi, se retourna. Eirik était debout, le fixait avec un regard mi-méfiant, mi-fatigué. Loki hésita à peine. Il attrapa son fils, le mit sur ses épaules, et se remit en marche.

Eirik, remis de sa surprise, se laissa rapidement bercer par le pas souple de son père. S'appuyant sur sa tête, il ferma les yeux. Sa sœur et lui avaient un lien spécial. Sans être de la télépathie, c'était assez puissant pour qu'il ressentent les émotions les plus fortes. Et là, pendant des heures, il avait senti qu'elle était au bord de la panique. Plus que la marche, c'était ça qui l'avait épuisé. Là, il ne ressentait plus rien. Leur connexion était souvent fluctuante, mais il avait l'intuition que sa sœur allait mieux.

– Loki ?

– Hmm ?

– Qu'est-ce qui s'est passé ici ?

Ils étaient encore en train de parcourir la lande couverte de cadavres. Loki mit un moment avant de répondre. Il attendit d'être arrivé au centre, où des débris d'acier brisés et gelés avaient été dispersés. Il passa une main au-dessus, se concentra.

– Ta sœur était ici. Ainsi que ta mère. Et...

Au même moment, Loki se crispa. Eirik se tendit, inquiet. Mais le dieu se contenta d'émettre un grognement de douleur, et se redressa.

– Elles se sont retrouvées, c'est certain, affirma-t-il.

– Comment le savez-vous ?

Loki fit un grand geste de la main, désigna l'ensemble de la zone.

– La magie laisse des traces, perceptibles pour certains. Celles de ta mère couvrent l'ensemble de la zone. Mais Evvie... elle a laissé son empreinte seulement ici. Et la sienne et celle de ta mère sont mêlées.

– Tout ça avec un seul geste de la main ?

Eirik devina plus qu'il ne vit le sourire de son père.

– Des siècles de pratique.

– Des siècles ?

– Trois millénaires en fait.

Le petit garçon garda le silence. Il avait entendu dire que Loki était vieux. Mais il ne pensait pas que c'était à ce point.

– Vous... vous vivez combien de temps ?

– Beaucoup.

– Et moi ?

– Aucune idée, admit-il honnêtement. Il faudra voir.

Et il se remit en marche en silence.

Loki souffrait. Beaucoup. Lorsqu'il s'était concentré pour percevoir les traces de magie, l'Æther avait réagi. Violemment. Comme un coup de poing dans l'estomac. Et il savait que ce n'étaient pas les traces d'Elsa qui faisaient cet effet. Ni celles d'Evvie. C'était une autre présence, dont il n'arrivait pas à distinguer la nature. Une présence liée à la pierre de la réalité. Une présence qui le faisait souffrir. L'Æther était attiré par cette présence. Voulait la suivre.

Les Ténèbres dans nos Cœurs / Partie 2 : Beyond all known realmsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant