Chapitre XI: Le prêcheur inquisiteur (Partie 1)

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Je suis ce jeune prêcheur, né fils d'un grand seigneur,
Des vœux des cieux désormais grand ambassadeur.
Trop ambitieux pour ma naissance de benjamin,
Je nourris mon orgueil chez les dominicains.

Les cris ont cessé. Il n'est plus, le démon n'est plus. Lourde responsabilité qu'est la mienne. Ces êtres nous ressemblent tant. Mais je ne dois pas faillir. Il aurait amené la peste et la désolation. La famine risquant d'arriver à tout moment, les conséquences auraient été terribles. Les cavaliers de l'apocalypse ne doivent se réunir. Pas maintenant, pas déjà, pas en ces temps. Nous avons tant à accomplir sous l'égide de l'Église. J'ai tant à accomplir, tant à faire, laisser une marque, laisser ma marque. Je sais que l'orgueil n'est jamais bon, mais qu'y puis-je, si ce n'est m'en repentir et me confesser ? Je suis humain, comme tout autre. Je ne suis ni saint, ni apôtre.

Tandis que les flammes continuent de s'étirer vers le ciel, je réalise un rituel pour conjurer toutes les malédictions éventuelles. Je sais qu'il ne s'agit que de spectacle, que de supercherie, que la foi, ce n'est pas cela. Mais ces moutons égarés par les affres de la guerre ont besoin de ça. Ils ont besoin de croyance, ils ont besoin de symbole, ils ont besoin de cette tranquillité d'esprit que ces artifices leur apporteront. Ils ont besoin de cet abrutissement qui permet au monde de fonctionner, à leurs vertus de se révéler. Cependant, le symbole seul ne les protègera pas de la maladie, il faudra que je donne quelques instructions aux infirmiers. Mes périples m'ont permis d'en apprendre suffisamment pour pouvoir leur prodiguer quelques conseils, cependant bien trop maigres à mon goût. Heureusement que le Seigneur m'a mené par ici. Bien que la menace ne soit totalement écartée, sa source en est désormais éradiquée. Finissant de psalmodier, je me retourne, abandonnant l'enveloppe carbonisée de ce démon à sa combustion. Croisant le regard de l'officier qui m'avait accueilli, je comprends rapidement que je suis attendu par un des nobles qui supervise cette campagne. Prononçant une dernière bénédiction, j'invite les fidèles à se disperser tandis que je m'approche de ce soldat.

" - Vous êtes attendu, mon père."

- Bien. Menez-moi à votre maître. "

Tout en lui répondant, je commence à marcher, l'invitant à m'emboîter le pas. À ces mots, il semble tiquer mais ne pipe mot. S'exécutant, il laisse planer un long silence en me conduisant savamment parmi les tentes éparses, se retrouvant, je ne sais par quel miracle, dans cette organisation bien anarchique. Quand enfin nous atteignons notre objectif, le ciel a déjà commencé à s'assombrir et seuls quelques rayons percent encore. Une majestueuse tente en décalage complet avec la pauvreté des habitats des soldats parmi lesquels je viens tout juste de déambuler se dressent devant moi. Bien qu'entourée d'autres tentes d'un luxe presque équivalent, elle éclipse tout de même ses rivales par ses dimensions, mais également ses riches ornements. Je ne peux m'empêcher d'éprouver un certain mépris pour son propriétaire dont l'étalage de telles richesses aux yeux de ses misérables soldats ne laisse guère de doute sur sa personnalité. Deux gardes flanquent l'entrée, qui me barrent la route de leurs armes quand je m'approche. Mon guide à qui mon mouvement avait échappé me rattrape alors et me conduit tout en me gardant bien à l'œil à quelques pas de là, vers une tente bien moins majestueuse bien que relativement riche.

" - Vous ne croyiez tout de même pas que le duc allait vous recevoir en personne ? Il a des affaires bien plus importantes à régler. "

Son ton presque condescendant m'agace, mais je ne laisse rien paraître. Il s'approche alors de cette tente et après avoir annoncé son arrivée, il soulève le rabat de toile et m'invite à entrer. À mon arrivée, les flammes des torches m'éblouissent d'abord, mes yeux s'étant habitués à la pénombre du crépuscule. Recouvrant enfin ma vue, je jette un coup d'œil autour de moi, détaillant les quelques objets que je découvre. Un attirail militaire, principalement. Me souvenant que je suis là pour un entretien, je cherche alors mon hôte du regard quand celui-ci m'interpelle:

" - Vous voilà enfin ! s'exclame-t-il rapidement sur un ton franc d'une voix puissante. Laissez-nous, ajoute-t-il avec autorité à l'égard de mon guide qui s'incline avant de s'éclipser.

- À qui ai-je l'honneur de parler ? m'enquis-je en inclinant la tête.

- À l'intendant de ce camp, me répond-t-il, avant d'ajouter d'un ton plus froid, mais ce n'est pas pour discuter du rôle de chacun que je vous ai fait quérir.

- Pourquoi donc m'avez-vous convié, alors ? la surprise de ce changement d'intonation me faisant quelque peu oublier les convenances.

- Que faites-vous par ici ? De quel droit avez-vous condamné l'un de mes hommes ?

- Ce que je fais ici ne vous concerne en rien. Je ne reçois mes ordres que du clergé, répliqué-je sur la défensive face à ce ton accusateur. Quand à votre "homme", il ne s'agit que du droit divin. Il a apporté la peste dans votre camp. J'ai fait ce qui devait être fait. Les démons doivent brûler avec leurs malédictions.

- Vous avez quoi ? s'emporte-t-il perdant ses mots. Vous l'avez envoyé au bûcher, sans même un procès ? Un simple gamin m'a-t-on dit ! Mais qui êtes-vous pour juger de qui doit vivre ou mourir sacrifié sur l'autel de la religion ?

- Prenez garde, vous frôlez le blasphème. L'Église est le fondement du monde. Tout repose sur elle. Tout repose sur nous. Je ne suis peut-être qu'un mendiant prédicateur à vos yeux, mais je suis investi d'une mission divine. Pas vous. Vous n'êtes que l'artisan du mal qui règne en ces terres. Mais rassurez-vous, je ne resterai pas longtemps. J'ai à faire. Je passerai voir vos infirmiers puis partirai. Puissiez-vous retrouver un jour la lumière divine. Adieu."

Sur ces mots, je tourne les talons et quitte la tente sans même attendre d'approbation de la part de cet homme droit bien que peu pieux. Je n'ai pas à m'attarder ici. Je soulève le pan de toile me barrant la route quand je l'entends m'invectiver une dernière fois:

"- Vous vous sentez intouchable ? Vous vous sentez bon ? Mais pensez donc à ce pauvre innocent. Vous lui avez volé sa vie. Vous l'avez torturé, et je le sais, un jour, vous paierez pour cela. Vous avez franchi l'étroite limite entre prêcheur et pécheur."

Bataille [Version "mobile"]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant