04 - Special Intermission #1

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Taesch

(Coucou ! Ce chapitre, qui fait  la liaison entre les grandes parties, est un peu plus court que les autres, mais ne vous en faites pas, on reprend une longueur normale juste après ! :3 Bonne lecture ! )

La fille était jolie, au moins. Ses cheveux étaient noirs, même si c n'était que par l'action d'une teinture, et elle avait au moins le mérite d'être bien élevée. Bien entendu, elle avait été élevée à l'Orphelinat des Cerisiers... Elle devait donc savoir faire la révérence, coudre et citer les nombres premiers sans hésiter. Elle ne connaissait sans doute pas grand chose de la construction politique du pays mais Taesch et ses précepteurs pourraient se charger de lui apprendre la vie dans les hautes sphères de la Cour.

Elle avait treize ans d'après ses dires. Il espérait une jeune fille un peu plus vieille pour faire de l'ombre à l'héritière du général Yvan mais si elle était assez bien formée, elle pourrait éclipser n'importe qui. Au moins ne partaient-ils pas de rien ... Était-ce le hasard si Clair lui avait ramené cette enfant ?

Ils avaient prévu de construire une histoire de toute pièce : la gamine était la fille bâtarde perdue de Taesch et il avait choisi de la recueillir pour en faire une véritable princesse, une femme de pouvoir. Bien entendu, les nobles grogneraient mais personne ne pourrait nier leur lien de sang, puisque la jeune fille lui ressemblerait. Et puisqu'elle serait, de toute évidence, de noble naissance. Taesch avait chargé Clair de lui trouver une fille au port gracieux, aux cheveux noirs et avec un minimum de manière. Et, à la grande surprise du Duc, le fils de Vénus avait réussi.

Bien sûr, l'assassin pensait que sa fille adoptive - prétendue biologique - aurait un prénom, aussi ne lui en avait-il pas cherché un. Si elle s'était appelée Ray ou autre prénom de gueux, il aurait dû lui changer mais il ne pensait tout simplement pas qu'elle n'avait pas de prénom. Du tout. Alors il lui avait donné les prénoms de ses tantes, les très belles et intelligentes Charlette et Caprizia Condé, les sœurs de son père, un peu au hasard. Il n'était pas doué pour nommer les choses, de toute façon : son chien s'appelait Maître Kim et sa plante verte, Princesse.

Charlie lui fit une révérence mesurée et parfaitement exécutée et il lui fit un petit signe alors qu'elle s'en allait. Il se retrouvait de nouveau seul.

En se levant, il ordonna au majordome de débarrasser rapidement la table. Théodose n'avait pas besoin qu'on lui demande et avait déjà refermé la boîte de petits sablés. Il se réfugia dans sa chambre et s'allongea sur son lit. Il était fatigué ces derniers temps.

Être Duc lui prenait toute son énergie et il se serait bien épargné le poids d'élever un enfant si la situation n'avait pas été pressante. S'il n'y avait pas eu cette toux persistante, qui lui faisait cracher du sang. Les vampires ne tombaient pas malades, ils ne mourraient pas de cause naturelle. Ils se faisaient tuer, ils se suicidaient ou ils étaient oubliés. Mais jamais personne n'avait vu un vampire mourir de vieillesse. Or, Taesch était très vieux. Avec huit millénaires à son actif, il avait vécu quatre fois plus que la moyenne des vampires. Et si cette toux était une maladie, un signe de sa mort imminente, il ne pouvait pas laisser sa famille sans héritier.

Personne n'était au courant, et personne ne devait l'être. Il ne pouvait pas montrer de faiblesse tant que son héritière n'était pas la femme la plus fière et la plus redoutable de toute la ville.


Il jeta le mouchoir en tissu dans la cheminée - Théodose devait bien se demander où étaient tous les mouchoirs en soie des Condé - et se prépara pour aller à la caserne. S'il voulait éviter d'éveiller les suspicions, il devait continuer à être aussi extravagant que d'habitude, autant dans son comportement que dans ses vêtements. Et même si cela le fatiguait, il devait bien aller au travail.

La caserne était une grande bâtisse en pierre et en bois, dépourvue de toute décoration. Le général Yvan von Dast était un de ces hommes qui ne supportait pas les fioritures. Même les guirlandes de houx à Noël devaient l'énerver.

Alors que Taesch avançait, il bouscula le dit général, qui lui grogna de se pousser. Taesch lui fit une remarque amusée, provocante et Yvan leva les yeux au ciel, tellement haut que ses iris disparurent à l'arrière de son crâne. Yvan était en colère et Taesch s'amusait à l'énerver le plus possible, c'était comme ça entre eux. Ils étaient toujours en train de se disputer ou de se provoquer. Même pendant les réunions du Conseil, ils ne cessaient de s'envoyer des piques.

Encore une fois, Yvan le provoqua en duel et Taesch refusa poliment, cette fois. Ils se battaient souvent mais leurs duels n'avaient rien d'amical. L'assassin savait bien que le général voulait le tuer et qu'il saisirait la moindre des occasions pour le faire.

Et parfois, quand il était lassé d'avoir vécu toutes ces années vides et sans but, il avait aussi envie qu'Yvan le tue. Rien ne lui semblait plus enviable que de sentir l'épée du Prince pénétrer son torse et lui transpercer le cœur. Et puis, si cela pouvait faire plaisir à Yvan ...

Le général finit par se désintéresser de Taesch pour s'en aller, d'un pas militaire. Même quand il était énervé ou pressé, Yvan ne courait jamais. Il avait toujours ce pas régulier, qui sonnait comme un battement de cœur.

En le regardant s'en aller, ses longs cheveux lisses et noirs soulevés par un courant d'air, Taesch se mordit la lèvre. Peut-être que, quand Charlie serait assez forte, il demanderait à Yvan de mettre fin à ses jours. Peut-être se laisserait-il enfin aller à ses fantasmes douteux, de sang et de mort. Enfin.  

Lady Condé [ Ruthless Ravenwell - 1 ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant