ISOBEL
Techniquement, ils avaient le droit d'être là, même s'ils étaient tous mineurs. Ils étaient en mission officielle pour rétablir la vérité, ou quelque chose comme cela. Et pourtant, Isobel ne doutait pas une seule seconde que son père lui mettrait une volée s'il la trouvait ici. Il n'était pas méchant mais il pensait que sa fille de dix-sept ans n'avait rien à faire dans un club de combat illégal de la Basse Ville, surtout par les temps qui couraient.
Et, il l'avait vu. Elle ne voyait pas ses yeux, cachés par un rideau de fumée, mais elle avait remarqué sa main. Il serrait sa pinte de bière si fort que les glaçons à la cerise qui baignaient dedans tremblaient comme des enfants que l'on aurait emmené chez le dentiste. Isobel savait bien que son père ne lui ferait jamais vraiment de mal mais il les retarderait. Et le coupable se trouvait à peut-être deux mètres d'elle. Ils ne pouvaient pas laisser cette occasion filer sous leurs nez.
Clair pivota et remarqua le petit groupe lui aussi. Nerveux, Lucius tira sur la manche de la princesse.
"Trouve nous une issue !"
Ce n'était sans doute pas méchant mais Lucius lui avait donné un ordre. Elle ne supportait pas cela. Elle était son égale, techniquement, mais elle supposait qu'il ne pouvait pas s'en empêcher. Il était prince héritier après tout, il avait l'habitude de se faire obéir de tout le monde, à part peut-être de ses parents et du père d'Isobel. Et elle n'était qu'une bâtarde que son oncle avait adopté.
Cependant, il avait raison. Ils devaient trouver une issue avant que Yvan et Clair ne leur tombe dessus et ne décide de les faire flamber au rhum. Et pour cela, ils ne pouvaient compter que sur elle. Elle était la plus douée de son âge pour la reconnaissance du terrain et l'intelligence tactique. Tout le monde ne pensait à elle que comme une petite idiote toujours en colère mais elle était bien plus que cela. Elle se mettait en colère aussi vite qu'elle ne paniquait, hypersensible qu'elle était. Toutes ses émotions lui tombaient dessus comme un poids et la meilleure manière qu'elle avait trouvé pour s'en débarrasser c'était de se défouler sur les pauvres malheureux qui passaient.
Peu de gens connaissaient son véritable caractère, bien plus agréable que ce qu'elle montrait au monde. Elle savait rire et s'amuser, aussi. Autrement qu'en tapant sur des gens. Mais personne ne faisait l'effort de gratter le vernis pour voir au delà. Sauf son père, bien sûr, qui la connaissait mieux que personne. Et Taesch.
Taesch Condé était rentré dans sa vie quand elle avait neuf ans. Yvan avait compris à cette période là qu'il ne pouvait pas l'élever tout seul dans son coin, qu'elle avait besoin de nouveaux professeurs. Luscka lui avait apprit la science alors que son oncle Elijah se chargeait de la magie. Ser Rozen lui apprenait le savoir vivre et la matriarche des Castellis lui apprenait toute sorte de choses liées à sa condition féminine. Mais il manquait quelqu'un pour la musique, la danse, la broderie et toutes ces choses ennuyeuses. Yvan avait réclamé à plusieurs professeurs de s'occuper d'elle mais aucun n'avait tenu plus de douze jours.
Taesch s'était alors proposé. Malgré son mépris pour le cadet des Condé, le général avait accepté. Une fois par semaine, elle retrouvait Taesch dans la salle de danse et il lui apprenait les quadrilles, ses gammes et ses arpèges, les bases de broderie et parfois plus. Ils écoutaient de la musique en prenant le thé, ils parlaient de tout et de rien et, pendant un moment, Isobel avait été heureuse. Il se souciait d'elle, et pas parce qu'ils étaient liés. Juste, comme ça. Pour elle.
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Lady Condé [ Ruthless Ravenwell - 1 ]
Vampire" Dans trois jours, elle dirait adieu à cette grande maison dans laquelle elle avait grandi, à Tia et Tamera et même au cerisier qu'elle avait eu le droit de planter pour son onzième anniversaire." L'Orphelinat des Cerisiers est l'établissement...