34 - Special Intermission #7

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Hello, hello ! Qui veut un chapitre surprise un jour en avance ? 

TAESCH 

Lorsqu'il arriva dans la salle de bain sommaire de la prison, il trouva un jeune homme hésitant près du baquet. Quand il se retourna, Taesch faillit ne pas le reconnaître. Allen avait le visage émacié et plusieurs traces de coups se voyaient sur son visage. Il était un vampire mais, comme toutes les créatures de la nuit, il guérissait moins vite quand il était en proie à une tristesse inconsolable. Ou quand il était sous-nourri, comme le témoignait sa perte de poids.

Il portait la livrée des Von Dast, rayée de noir et de blanc, barrée par une ceinture rouge et Taesch comprit qu'il avait trouvé un nouvel emploi au château. Bien sûr, leur manoir était parti en flammes et il n'avait plus de maître à servir. Personne ne le disait mais tout le monde savait que Rozen ne reviendrait jamais de Croquelune. Il ne reviendrait pas dans la ville qui lui avait prit son frère. Au fond, c'était aussi bien, Lucius ne connaîtrait pas les même désagréments administratifs que son père.

Son visage était poudré et fardé, sans doute pour cacher ses bleus, et ses lèvres soulignées de rouge. Il s'était fait beau pour voir Taesch, pour sa dernière nuit. Il sursauta quand il le vit et le détailla un instant. Un instant de trop. Le dégoût, la peine et la colère se mêlèrent dans ses yeux un moment avant qu'il ne reprenne son expression la plus professionnelle.

"J'ai insisté, demandé moi même au Prince Consort à vous préparer pour votre exécution. Je ne sais pas pourquoi il a accepté mais je suis content."

Taesch eut envie de pleurer, un instant, avant de se ressaisir. Il ne mourrait pas seul finalement, il avait un ami. Et quel ami ! Le garçon qui voulait devenir majordome. Oh, il le serait un jour, le vieux Condé en était sûr.

Il avança jusqu'au petit bassin rempli d'eau chaude et les gardes les laissèrent.

"Oh ! Qu'il me tarde d'en finir."

Son corps le faisait souffrir et il était las. Las de toute cette histoire. Il laissa Allen le dévêtir avant de se plonger dans le bain réconfortant. Allen avait dû amener clandestinement ce savon au lait et au miel que Taesch aimait tant parce qu'il lui frotta doucement la peau avec. Une simple caresse suffit à la rendre rouge et il ne resta pas longtemps dans son bain. Il fut ensuite sorti du baquet, avec l'aide de son serviteur, et il s'assit sur une chaise. Allen s'empara de ciseaux et lui sourit.

"Je vais ...

- Je sais. Fais donc, Allen, fais donc."

Ses cheveux furent donc coupés à ras au niveau de sa nuque et il ferma les yeux pour ne pas les voir tomber sur le sol. Il n'était pas un enfant, il pouvait le supporter. Pour ne pas penser à son sort, il se demanda où était sa fille. Il essaya de l'imaginer, attendant sur la place de la Justice, au milieu de la foule et des congères de neige sale et il sourit. Elle porterait certainement sa belle robe blanche près du corps et son châle bleu en fourrure de renard. Non, impossible. Elle avait dû brûler.

C'était donc cela. Son manoir avait brûlé, sa fille s'était fourrée dans une situation inextricable et il allait mourir. Toute cette irritation le fit soupirer et Allen s'affaira plus rapidement. Son exaspération ne fit que le poursuivre quand il fut habillé d'une simple tunique noire et d'un pantalon gris passé. Une tenue de prisonnier. Allen lui demanda ce qu'il devait faire du manteau d'Yvan von Dast, qu'il avait laissé dans sa cellule et Taesch lui sourit.

*** 

Lorsque Taesch Condé marcha pieds nus sur le chemin court qui menait de la prison à la place de la Justice, entouré de deux gardes, il se sentit de nouveau comme le duc qu'il était. Une sourde douleur lui vrillait les tympans mais il n'en montra rien. Vêtu du grand manteau d'Yvan qu'il laissait traîner derrière lui, il se délecta des murmures sur son passage. Il n'allait certainement pas mourir comme un bouseux, même s'il y ressemblait un peu.

Lorsqu'il arriva sur la potence, soulagé de ne plus devoir marcher, il fit d'abord face au bourreau qu'il avait payé lui même de sa poche chaque mois pendant cent soixante dix ans parce que personne ne voulait le faire. Le jeune bourreau était un peu trop fougueux et il avait tendance à rendre un travail net mais douloureux. Il disait que le peuple se réjouissait des cris de douleurs de ses victime et Taesch pensait qu'il avait raison. Les gens auraient arrêté de venir, s'ils ne voulaient pas voir les condamnés à mort supplier et saigner comme des porcs de Kotka.

Aujourd'hui encore, ils étaient nombreux et ils se serraient sur la place. Au premier rang se trouvait une rangée de sièges vides. Luscka et son fils étaient absents, ainsi qu'Yvan et son héritière. Charlette aussi. Ensuite se trouvait le père d'Alianora Fell, à côté d'un siège vide, à sa droite et de Lubalai von Dast, à sa gauche. Elle ressemblait déjà à une impératrice, digne. Le regard chargé de colère qu'elle lui lança le fit frémir.

Une autre jeune femme, juste à sa gauche, lui tenait la main et il devina qu'il s'agissait de sa dame de compagnie. Elle avait un air peiné de circonstance mais c'était sans doute sa chance de s'élever rapidement. Lubalai était celle à qui reviendrait le duché de Hochen, quand elle serait majeure, et il serait certainement rusé pour elle de s'en rapprocher. Les Gaietés continuaient à se jouer, même sans lui.

La panique commença à s'insinuer en lui quand le bourreau le fit accroupir, le cou sur le billot, en lui murmurant qu'il serait bon avec lui. Incapable de respirer, il se contenta de subir le moment. Il ne voyait plus que les lattes du parquet, des lattes usées qu'il avait pensé à faire changer de nombreuses fois sans jamais réellement le faire. La douleur sourde dans son crâne augmenta alors qu'il réalisait qu'il n'était pas immunisé. Malgré son âge, son arrogance, il était comme tous les autres. Il avait peur de la mort.

Il commença alors à se souvenir de tout ce qu'il aimait. La nuit où sa mère l'avait bercé des heures alors qu'il avait peur du noir, les sirènes du Colosse, cette fontaine que Rozen avait fait reproduire à l'identique dans leur jardin en prétendant que cela n'avait aucun rapport avec lui, le joueur de piano dont il ne se rappelait plus du nom qui lui avait appris à composer une sonate, les chimères que Clair chassait dans les plaines du Duché de Condé, la complainte incessante des soucis bien dérisoires d'Ulrick, sa leçon d'anatomie avec Slythe, le baiser du véritable amour avec Yvan, le rire gêné d'Elijah, la magie de Lucius, la fougue d'Isobel, la passion d'Alianora, le sourire de Charlie. L'amour de Charlie, sa confiance sans faille, son regard pétillant, ses mains douces, ses yeux bleus. La magie qui coulait en elle et dont il n'avait su lui parler.

Un mirage, une illusion le saisit un instant. Il crut voir Elijah courir jusqu'à lui, bien vivant. Quelques larmes lui vinrent aux yeux mais elle n'eurent pas le temps de couler que la lame s'abattait sur sa nuque.

C'était fini. Taesch Condé, prince de Ravenwell, était mort. 

Et voilà pour le chapitre le plus joyeux du roman ! *bruits de langue de belle-mère* On se retrouve demain pour un autre chapitre et ce sera le cas tous les jours jusqu'au 31 ! J'ai dit que je finirais mon roman en Mai et je le ferais è_é 

Lady Condé [ Ruthless Ravenwell - 1 ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant