Charlie
"Une lady ne devrait jamais lever les yeux au ciel, jeune fille. Bien, recommençons à la ligne trente-huit."
Charlette se retint de justesse de rouler des yeux - une nouvelle fois - et poursuivit sa lecture. Madame Stoler, tout comme Père et Clair, trouvait son accent de la campagne absolument immonde. Alors, elle lui faisait lire de Libretum Maleficarum encore et encore, jusqu'à que ce qui sorte de sa bouche soit convenable. Ou bien, ce qui arrivait plus souvent, jusqu'à ce qu'elle soit bien trop épuisée pour continuer à lire et à parler.
Elle avait compté dix sept jours depuis qu'elle était arrivée ici, en considérant la nuit de son arrivée, celle de son fameux incident avec Taesch Condé.
Les cours avaient commencé dès le lendemain, puisque le temps était compté. En effet, à la fin du mois aurait lieu le bal d'Initation de plusieurs jeunes filles et jeunes hommes à la Cour. Le bal de Première - ou de Premier pour les garçons - était le rituel d'entrée dans le jeu des Gaietés, obligatoire pour toutes les nobles de haut rang. Cela signifiait qu'elles avaient désormais une place, politique et sociale, et qu'il fallait les traiter comme des Dames. Cela signifiait aussi qu'elles étaient désormais des cibles potentielles pour qui souhaitait déclencher une vendetta.
Elle ferait son bal de Première en même temps que trois personnages importants de la Cour : la dernière née des Kalingrad, famille ô combien importante dans l'échiquier politique, Lucius von Dast, l'héritier à la Couronne de l'Empire de Nox et fils de l'Empereur - rien que ça ! - et Isobel von Dast, la fille du général Yvan von Dast, que Charlie avait entr'aperçu sur un toit le jour de son adoption. Si Isobel ne possédait qu'un centième de la prestance de son père, elle pourrait terrifier Charlie d'un regard. L'âge devait faire, certainement, aussi. Si, à treize ans, la jeune Lady Condé était précoce dans son inititation à la Cour, Isobel était bel et bien en retard pour sa part. A dix-sept ans, elle n'avait jamais participé à une danse et n'avait encore aucun prétendant, ce qui était assez rare à Ravenwell. Même si les vampires vivaient en moyenne un millénaire, ils aimaient qu'une jeune fille digne de ce nom soit fiancée à quinze ans et mariée dès sa majorité - fixée à cinquante ans en moyenne, mais certains obtenaient leur majorité à vingt.
Alors on faisait travailler Charlette d'arrache pied pour qu'elle soit prête à temps. Le matin, elle se levait tôt et revêtait une de ses magnifiques tenues avant de se rendre en salle de musique. Si elle avait trouvé ses toilettes de l'Orphelinat très belles, elle en avait un peu honte quand elle voyait la richesse et la beauté des vêtements qu'elle devait porter maintenant. A sa demande, Père avait demandé à ce que l'on serre moins son corset et elle avait désormais une liberté de mouvement beaucoup plus agréable.
Après avoir fait ses vocalises, exercé ses talents au piano et avoir apprit par cœur le nom de certaines pièces de musique de chambre, Charlette abandonnait son professeur de musique pour se rendre dans la salle d'entraînement - sa partie préférée de la nuitée.
Là bas, elle apprenait à se battre. En robe. Si les Condé étaient plutôt restrictifs sur la façon dont une femme devait vivre, Père était du genre à tout envoyer paître et il voulait que sa fille puisse se défendre en cas d'attaque. Alors il lui apprenait comment parer, comment attaquer et comment coincer l'arme de l'ennemi dans ses jupes. Elle ne comptait plus le nombre de fois où il l'avait fait tomber par terre parce qu'elle avait raté un mouvement. Quelquefois, il lui apprenait aussi comment fabriquer du poison avec ce qu'elle avait sous la main ou comment prendre soin d'une arme.
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Lady Condé [ Ruthless Ravenwell - 1 ]
Vampire" Dans trois jours, elle dirait adieu à cette grande maison dans laquelle elle avait grandi, à Tia et Tamera et même au cerisier qu'elle avait eu le droit de planter pour son onzième anniversaire." L'Orphelinat des Cerisiers est l'établissement...