CHARLIE
Lucius était effrayant. Sa chevelure noire de jais avait fait qu'elle ne l'avait pas reconnu quand elle était entrée dans la salle avec Greta mais ce qui l'avait le plus choquée était ce regard horrible, froid comme la glace qui remontait un peu plus à chaque minute sur ses bras. Les runes, à peine visible dessous, recouvraient ses mains comme une gangrène magique. Il s'était trop servi de sa magie.
Au moins, Greta était morte, maintenant. Son âme définitivement déchiquetée par l'horrible chaton aux yeux exorbités, ils étaient libres de s'en aller pour aller sauver son père. Mais cela n'avait servi à rien. Ils n'avaient pas de preuve. Ils n'avaient pas non plus le temps de retourner à la place de la Justice. Elle était persuadé d'avoir entendu les cloches de minuit sonner quand elle était sortie de sa transe. Il était déjà trop tard.
Le mage qu'elle avait en face d'elle était aussi loin de Lucius que l'on pouvait le concevoir. Il n'accorda pas un regard à Alianora, qui peinait à se remettre debout ou à Isobel, toujours étendue sur le sol. Il fixait la porte de la pièce comme si quelque chose allait en sortir. Charlie, un peu désorientée, fit un énorme effort pour se redresser. Elle voulait aider son amie mais elle était épuisée et Lazarus la devança. Était-il de nouveau dans leurs camp ? Jusqu'à ce qu'il les poignarde de nouveau, en tout cas.
Le silence était terrible et tous les bruits lui parvenaient étouffés et abstraits. Elle entendit les voix d'Alianora et du voleur comme à travers une couche de ouate et quand Lucius lui répondit, elle ne comprit aucun de ses mots. Finalement, elle secoua la tête et les bruits finirent par lui revenir, doucement. La réalité reprit le dessus, elle aussi.
Lucius brûlait de magie, Isobel était morte, Lazarus était épuisée et Alianora ne remarcherait plus jamais sur ses eux jambes. Quant à elle, elle ne pouvait expliquer la mousse qui avait envahi ses oreilles et les racines fragiles autour de ses mains. Elle choisit que ce n'était pas le moment pour en parler et se releva en poussant un soupir. Alianora et Lucius se disputaient, assez vivement.
"Tu ne comprends pas ? Je vais sauver mon père mais avant ça je vais réduire ce manoir en cendres.
- Non ! Il nous faut réduire des preuves et penser clairement. Je ne sais pas quelle heure il est mais ..."
Charlie soupira. Lucius avait raison. Ce serait peut-être plus simple si elle énonçait cette vérité qui lui brûlait les lèvres. Si elle gardait les cadeaux de son père tout contre son coeur, elle finirait peut-être par guérir mais cela n'empêchait pas que ...
"Mon père est mort."
Alianora se figea, comme si on avait choisi d'immortaliser ce moment pour la gloire. Elle était belle, dans le choc et le désespoir. Belle comme une peinture. Charlie aurait aimé qu'elle n'ait pas à l'être mais Taesch n'était plus, elle le savait comme elle savait qu'Isobel ne reviendrait plus. Elle savait que tout était fini. Il était temps pour eux de panser leurs blessures, de pleurer et de se reposer, enfin. De faire leurs deuils, nombreux et douloureux.
Lucius n'eut aucune émotion, lui. Il hocha la tête mécaniquement. Il serrait une petite pelote d'or dans la main comme si sa vie en dépendait. Alianora pleura mais il ne chercha pas à la réconforter. Il marcha fièrement vers la porte, les laissant en plan et sortit de la pièce, aussi froidement que possible, le dos droit.
"Attends Lucius, tu ne peux pas faire ça tout seul."
Charlie était tiraillée mais le danger dans lequel Lucius allait se fourrer était plus pressant que la peine d'Alianora. Elle la réconforterait bien plus tard. Lazarus pouvait bien s'en charger pour le moment et s'il touchait à un seul de ses cheveux, elle saurait lui faire souffrir mille morts.
VOUS LISEZ
Lady Condé [ Ruthless Ravenwell - 1 ]
Vampire" Dans trois jours, elle dirait adieu à cette grande maison dans laquelle elle avait grandi, à Tia et Tamera et même au cerisier qu'elle avait eu le droit de planter pour son onzième anniversaire." L'Orphelinat des Cerisiers est l'établissement...