XLIII [corrigé]

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Je tourne en rond dans mon lit depuis une heure environ. Il doit être 13 heures et Bastien n'est toujours pas revenu. Je suis seule dans l'appartement, mes parents étant partis je ne sais où et Maria ayant pris des congés.

Je décide de me lever pour aller manger mais en arrivant devant le frigidaire, ma faim s'envole pour laisser place à une montée de larmes, que je m'empresse de ravaler. Alors comme toute personne perdue et en proie à un passage de dépression, je me jette sur le congélateur et attrape ma bonne vieille meilleure amie : la glace à la vanille.

Puis je retourne dans ma chambre, en trainant les pieds, saute dans mon lit, remonte mes couvertures pour ne laisser entrevoir que ma tête, et prends mon vieil ourson en peluche.

Installée ainsi, on dirait une petite fille de cinq ans, toute tristounette, qui attend que sa maman vienne la réconforter. Or je ne suis pas une fillette de cinq ans et il y a bien longtemps que je n'ai plus besoin de ma mère pour être consolée.

Merde Mathilde ! Ressaisie toi ! Tu ne vas pas te mettre dans des états pareil pour ce mec !

Et bien si. Malheureusement si.

J'entame une bouchée de ma crème glacée. La délicieuse sensation de froid dans ma gorge me rappelle mes plus beaux souvenirs d'enfance.

J'étais encore bien innocente...

Nous abordions la vie avec une insouciance telle que l'on imaginait que rien ne pourrait nous arriver. Nous n'avions pas besoin de nous soucier des problèmes des adultes. Nos parents nous préservaient des dangers. Mais quand on est enfant, on rêve de grandir, alors on joue aux adultes, sans réellement s'imaginer que nos jeux deviendront réalité. On n'y pense pas, on s'amuse simplement. Et puis un beau matin, on grandit vraiment. On commence à avoir des responsabilités. On redécouvre le monde d'une certaine manière, avec un œil plus aguérri. On y connait des soucis, de la peur, des chagrins d'amour, et pleins d'autres choses qui nous étaient insignifiantes à 7 ans. Et c'est à cet âge là qu'on se rend compte qu'on aimerait bien redevenir un enfant.

Aujourd'hui, j'aimerais avoir 7 ans. Redevenir heureuse, pouvoir jouer des heures et des heures à la poupée, avoir pleins d'amoureux à la fois, sans qu'ils ne soient vraiment mes amoureux. J'aimerais pouvoir voyager dans le temps...

Hier soir, j'aurais aimé être trop jeune pour pouvoir sortir. Je n'aurais pas vécu cette affreuse soirée et je n'aurais jamais eu à écouter les paroles blessantes de Maël. D'ailleurs, je ne l'aurais même pas connu...

Il y a deux ans, j'aurais aimé être privée de sortie pour ne pas avoir à subir les graves effets de l'alcool. J'aurais aimé ne jamais être entrée dans ce maudit hôpital pour en sortir toute seule.

A cet instant, je donnerais tout pour modifier mon passé.

Quand j'y repense, je me rends malade. Et dire que je le croyais sincère !

Alors quand il m'a rejoint dans ma chambre, il ne m'a dit que des conneries ? Quand il m'a embrassé c'était pour de faux ?

Je lui aurais tout raconté...

Tout. Absolument tout. J'étais prête. Je lui faisais confiance.

Pourquoi quand je rencontre une personne que j'aime bien, il faut toujours qu'elle me déçoive ?

Il faut que j'arrête de penser à lui. Tant pis, qu'il perde son temps avec sa poufiasse !

Je continue de savourer ma délicieuse glace à la vanille quand j'entends quelqu'un rentrer dans l'appartement.

Faites que ce soit mes parents et pas Bastien !

Je ne veux pas qu'il me voit comme ça. Et je n'ai vraiment pas envie de lui raconter ce qu'il s'est passé.

Eyes Shut [Corrigé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant