6. Clito

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Il ne faut jamais faire boire d'alcool à un Kili'an après minuit. Avant minuit non plus, en fait. Sinon, il sera tenté de se reproduire par centaines, et ça, c'est vachement mal. – Journal intime du premier Aar'on –

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Englouti par la mer, Kili'an ne ressentait plus rien d'autre que la morsure de l'eau. Elle n'était pas si désagréable que cela, en fait. Forcément, pour mieux profiter de l'instant, il aurait préféré ne pas être en train de se noyer, mais cela faisait partie des choses qu'il ne maîtrisait malheureusement pas. Il fallait dire que le coup qu'il s'était pris sur le crâne après avoir été renversé par la vague l'avait endormi d'un seul coup. C'était comme si son cerveau possédait une fonction d'arrêt d'urgence afin de protéger le peu d'informations qui y étaient stockées. Et là, l'eau s'engouffrant dans ses pauvres petits poumons d'Humain semblait bien signifier la fin du voyage. C'était dommage, il faisait quand même un héros plutôt cool. Ses aventures auraient pu être nombreuses et passionnantes. Mais bon, on ne choisit pas ni quand ni dans quelles horribles souffrances on meurt. Cette petite part d'imprévu funeste pouvant nous tomber dessus n'importe quand fait le charme de la vie. Et après, quoi ? Le vide ? Le néant ? En tant que grand maître de méditation blondinienne, il y était déjà habitué. Mais quand même, c'était dommage. Il aurait bien voulu serrer contre lui une dernière fois son Aar'on. Juste une...

– Putain, mais c'est pas possible ! – s'exclama Yun'ah. À chaque fois c'est pareil : il suffit qu'il se fasse trouer le ventre, cogner la tête, noyer, humilier ou frapper les fesses un peu trop fort pour qu'il rentre en mode « mort cérébrale » ! Et après, faut l'électrocuter pour que ça reparte, c'est chiant, j'ai pas mon matos sur moi.

– Mais... – s'étonna la femme à ses côtés. Cela ne risquerait pas de causer des dommages irréversibles à son cerveau ? Je veux dire, la mort cérébrale, l'électrocution... C'est violent quand même...

– Oh ! Non, pensez-vous ! Avec lui, aucun risque ! Y a déjà pas grand-chose à endommager à la base, et puis, c'est un peu comme ça qu'il fonctionne, il a l'habitude. C'est un Kili'an, hein, c'est pas un Humain normal... Vous avez du 220 ?

– Oui oui, tenez... heu... vous êtes sûr que ça se branche là, les électrodes ? Je veux dire, une dans la bouche sur la langue, je veux bien comprendre, c'est près du cerveau, mais l'autre... ça risque de lui faire mal quand même...

– Vous en faites pas, puisque j'vous dis qu'il a l'habitude. Et c'est rien à côté de ce que lui fait subir son Aar'on, croyez-moi... Allez, on lance...

Un hurlement sauvage. Un cri venu du fond de la nuit. Un bruit lourd et sourd... Personne ne savait vraiment comment qualifier le son qui sortait de la bouche du jeune soldat. Une chose était sûre, à côté, même les pires tremblements de terre, même les plus puissantes tornades et même les plus ravageurs des Tsunamis faisaient moins de dégâts. Oui, quand il avait mal, Kili'an piaillait très fort. Et là, malgré ce que prétendait la mécanicienne de son équipe, il avait mal.

– MAIS PUTAIIIIIIIIN – beugla-t-il. J'T'AI DÉJÀ DIT MILLE FOIS DE PAS DÉPASSER LES 110 VOLTS QUAND TU ME RÉVEILLES ! Ah ça douille, ah putain que ça douille... Ah que je te hais, ah que je vous hais tous... Ah cassez-vous, laissez-moi tranquille, j'veux plus voir personne... J'suis trop malheureux, j'veux mourir... Partez...

Particulièrement étonnée, la jeune femme s'interrogea :

– Mais... c'est moi ou... il boude ?

– Non non, c'est bien ça, ce n'est pas vous – répondit Yun'ah. mais c'est normal, c'est la première fonction qui se recharge quand il revient à lui, c'est classique. D'ici quelques heures, la sympathie et l'humour devraient aussi être de retour, faut juste attendre...

VojolaktaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant