38. Spenta

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Un bon Kili'an se définit par le fait qu'il ait toujours le cœur sous la main et l'amour à la bouche. Plus que sa force, ce sont son courage et sa gentillesse qui font de lui un véritable héros. – Journal intime du premier Aar'on –

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Le Swinton lancé à pleine allure entre les astéroïdes se dirigeait vers l'ultime Vortico donnant sur le système Soljamine. Aux confins du temps et de l'espace, la porte menant au royaume du Bottel'ron restait entrouverte. Et au poste de commandement de l'intrépide vaisseau, un jeune garçon aux cheveux dorés boudait. C'était trop injuste.

– NON Kili'an ! – s'emporta Yun'ah. Pour la dernière fois, on ne remet pas la musique ! On doit être DISCRET ! C'est une mission d'infiltration ! Tu comprends ce que ça veut dire ?

– Ça veut dire qu'on ne me respecte pas en tant que capitaine ! – grommela l'adolescent en croisant les bras. Non mais sérieusement, quoi, un sauvetage sans musique épique, c'est au moins aussi chiant qu'une tartine sans Nutella ou qu'un câlin avec l'Aaron sans tape sur les fesses !

Bien entendu, tout le monde savait que cela n'était pas « obligatoire » pour prendre du plaisir, mais quand même, on y perdait beaucoup. L'argument avait de quoi toucher les cœurs les plus tendres. Ce qui n'était étrangement pas le cas de Camill. La pointe du talon enfoncé entre les cuisses de son chef qui hurlait de douleur au sol, le change-sexe commençait à perdre patience. Son destin était suffisamment sombre pour ne pas avoir à penser aux petits traquas du quotidien. Kili'an le soulait.

– Si tu veux de la musique, tu n'as qu'à chanter ! Mais on sera dans Soljamine d'ici quelques heures et on arrivera sur Spenta dans la foulée, donc là, ça sera discrétion absolue !

Obéissant – il ne fallait pas dire « soumis », ça, c'était uniquement en présence de l'Aar'on –, le jeune blond prit sa plus belle voix et improvisa un morceau qu'il avait sobrement intitulé « ode à moi-même »

– Dans la nuit noire, dans la nuit noire et obscure, obscure et sombre, je me suis cogné contre les murs ! Les murs ! Kili'an a les yeux verts ! Kili'an a les yeux verts ! Verts les yeux Kili'an il a ! Y a plus d'espoir, dans la nuit noire !

Si la voix était aussi belle que douce, c'était bien l'effarement qui avait envahi d'un seul coup les membres de l'équipage. Heureusement, la voix stridente de Yun'ah parvint à arrêter le massacre avant le deuxième couplet.

– SÉRIEUSEMENT ? Tu... tu es la honte de notre unité d'élite ! Nan, trop c'est trop, là, je démissionne ! Trouve-toi une autre mécanicienne ! J'ai de l'honneur, je refuse d'être associée à ce naufrage quand tu vas te mettre à interpréter ton tube devant nos ennemis. Je ne m'entraîne pas à faire vibrer des instruments anciens depuis que je suis née pour me retrouver membre d'un groupe pratiquant une musique de sauvages avec un soliste aussi bête que blond. Dans le sens physique, blond, parce que si c'était intellectuel, ça ferait pléonasme.

– Meh... – tenta de se justifier le soldat en reniflant comme s'il allait se mettre à pleurer. Ce... C'est librement inspiré d'un tube trop classe que tout le monde connaissait par cœur à l'époque du premier Kili'an... J'l'ai trouvé dans sa maison... Vous pouvez pas me reprocher d'avoir comme sous-quête la volonté de remettre à la mode ce qu'il aime, ça serait super mesquin !

– Librement inspiré... – songea Mart-1 à haute voix. Je dirais plutôt complètement plagié, oui ! Mon système mis à jour sur Canaan est formel. Ce tube est le copier-coller d'une chanson parodique d'un trio comique célèbres à l'époque nommé les inconnus. Ce que vous venez de faire est du vol caractérisé, et c'est très mal !

VojolaktaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant