22. Space Force One

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Le plus grand des pouvoirs du Kili'an, au-delà de sa beauté, de son sourire, de ses fesses, de sa bêtise et de son charme, c'est sa faculté à bouder quand il n'est pas content. Et il est rarement content... Mais il suce tellement bien que je lui pardonne – Journal intime du premier Aar'on –

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– Il fait souvent la tronche comme ça ?

À peine Man'on avait-elle été intégrée à l'équipe qu'elle se retrouvait face à une bien implacable vérité : un Kili'an, ça boude beaucoup.

– Je crois qu'il est en colère pour des conneries... – soupira l'Aar'on, sans même adresser un regard au concerné qui croisait les bras en se mordillant les lèvres. C'est toujours pour des conneries...

Le soldat aux cheveux dorés ne partageait pas cet avis tranché. Des raisons d'en vouloir à son maître, il commençait à en avoir beaucoup. Trop, même. Pourquoi l'Aar'on n'avait-il pas massacré son ravisseur, Adri'an, quand il en avait l'occasion ? Pourquoi avait-il refusé d'attendre la partie blessée de son équipage. Et Geb, alors ? S'il était bien le troisième membre de leur étrange trinité, n'aurait-il pas fallu se mettre à sa recherche au plus vite au lieu de foncer sur Thot ? Le trône aaronesque était-il plus important que de punir ces satanés antihumains et leurs deux insupportables Ztékojs ?

Oui, d'après le Légitime. Au moment du décollage, il avait été ferme : c'étaient dans les prochaines heures que se jouerait l'avenir de la Fédération. Et le sien, du coup.

Tout cela, ce n'était que de la politique, et Kili'an détestait la politique. Voter, gouverner, décider... c'étaient des trucs bons pour ceux qui avaient une opinion. Lui, il avait des amis, des proches, des goûts, et cela avait bien plus d'importances que tout le reste. Le pouvoir ? Un gouffre sans fond dans lequel tombaient les avides, les jaloux, les prétentieux et les bruns. Une futilité pour ceux qui pouvaient réussir grâce à leur talent, leur générosité, leur force ou leur fougue. Kili'an détestait le pouvoir autant qu'il aimait l'amour. Aux autres le désir, à lui la passion.

Et pourtant, là, il se retrouvait en route avec comme seul objectif de se battre au péril de sa vie pour le trône de son maître. Ce n'était pas qu'il n'avait pas envie, mais cela l'horripilait un peu. Seize ans, c'était quand même le meilleur âge pour partir à la retraite, non ? Ensemble, ils auraient pu s'installer sur Lug avec Benj'am, à élever des Chaivrs. C'était super bon à manger, les Chaivrs. Et en plus, ça faisait du très bon lait, délicieux mélangé à du Nutella. Bon, cela ne valait pas le colostrum aaronesque qui s'accommodait avec tout, mais quand même, il arrivait parfois à l'adolescent de rêver de cette petite vie paisible qu'il pourrait mener loin de toute l'agitation de Thot. Le principal problème reposait surtout sur la bonne volonté des Chaivrs. Les ancêtres de ces animaux quadrupèdes à barbiche issus de la faune Susanienne avaient fini par réclamer et obtenir leur indépendance à la suite de trop nombreux viols subits par les femelles et jeunes de l'espèce. Une véritable guerre civile avait dégénéré sous le deuxième Aar'on : nombre d'Humains particulièrement laids et peu intelligents, formant la caste des « Péknos », avaient souhaité que soit reconnu comme activité instrumentale le fait de jouer de la « Chaivrs ». La pratique était fort simple : pour faire marcher cet étrange trombone, il suffisait de deux bottes pour bloquer les pattes arrières et d'une coulisse de chair à enfoncer plus ou moins profondément pour faire varier les sons. Si, musicalement, les puissants de l'époque n'y avaient pas vu grand-chose à redire, les instruments, eux, s'organisèrent en troupeau pour marcher sur une Humanité qui ne les avait que trop souvent méprisés. Finalement, la paix fut conclue et la première version du code sexuel interdisant les rapports entre Humain et animaux – règle encore en vigueur sous le vingt-septième – promulguée. Les Chaivrs purent ainsi évoluer tranquillement et coloniser en paix tout Vojolakta sans risquer la moindre agression, mais redevenant par la même occasion une espèce plutôt sauvage et compliquée à domestiquer.

VojolaktaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant